Je viens d’arriver ; je suis arrivé depuis peu ; je ne suis pas là pour longtemps ; je les vois ensemble ; je le vois seul ; je me sens désemparé au milieu d’eux dans cet ensemble de béton déprimant ; je, vit entouré d’âmes solitaires qui se croisent sans se voir, enfin si, du coin de l’oeil ; je me sens bien seul ; je vois Julien dans sa routine quotidienne. Je le vois faire son lit de manière impeccable, plier ses vêtements au cordeau pour les ranger ensuite par forme, taille et couleur dans l’armoire à sa disposition ; je le regarde faire allongé sur mon lit ; je suis toujours tiré à quatre épingles même si je passe mes journées à la fenêtre. J’aime regarder les autres déambuler en bas. J’aime le voir aller de groupe en groupe ; je sais qu’il me regarde par la fenêtre et qu’il ne veut pas être vu. Je ne réponds jamais aux questions que l’on me pose à son sujet. Je crois qu’il est amoureux de moi ; je me sens attiré par lui ; je l’aime bien ; je sais que les autres sont jaloux. Je veille sur lui ; je l’ai à l’oeil ; je ne sais pas grand chose de lui, à part qu’il était transformiste ; je sais qu’il adore parodier Patricia, Cloclo, Sheila, Julien, Mireille et tant d’autres ; je ne sais jamais qui me regarde quand je suis avec les autres en bas ; je serai peut-être aujourd’hui Mireille ou Julien. Le vrai Julien ou l’autre, je ne sais pas encore…ce sera la surprise ; je préfère Patricia ; je le vois nous amuser chaque jour avec l’une de ses imitations, pour le grand plaisir de tous ; Julien E. aime qu’on l’appelle JE. C’est son nom d’artiste ; JE est la vedette locale ; je suis la star à présent. Chaque jour JE se donne au même public exigeant qui en veut toujours plus ; Je ne veut pas faire de nu ; je ne fais jamais ça ; JE veut être traité en vedette ; mais je le vois s’étioler un peu plus chaque jour ; JE déprime ; je déprime aussi ; je n’ai pas envie de rire ; je n’ai plus envie de rire ; je sais que les journées sont longues et ennuyeuses ; JE le sait aussi ; je dois encore patienter ; Je ne sais pas si je pourrais tenir longtemps ; J’en ai encore pour des années ; je suis parti ce matin sans espoir de retour. J’ai purgé ma peine ; JE est parti pour toujours. Il a rejoint les étoiles qu’il aimait tant parodier ; je l’ai appris bien plus tard. Je l’ai pleuré ; JE l’aimait tant ; je reste seul dans la cour au milieu de tous. Je me souviendrai longtemps de JE et de son co-détenu. Je regretterai toujours Julien E. Allons allons je dois me ressaisir.
Merci pour ce texte sensible, bon dimanche.
merci à vous