Les marques sont récentes. Un radiateur à bain d’huile a joué là aux autos tamponneuses. Il y a des lambeaux de tapisserie qui frisent et à certains endroits, ça plonge jusque dans le mur et pourtant il est dur, là, le mur, c’est l’ancien mur extérieur, on n’y a pas plaint le ciment ni les galets de Garonne, pas comme les cloisons en mâchefer que les pauvres allaient récupérer au long des voies ferrées pour construire leur maison.
Les marques sont anciennes. Les barres scellées dans le toit en terrasse ont pris un peu de flèche. C’est au quadrillage haut que se nouait la corde d’entraînement pour le concours d’entrée à l’école normale d’institutrice et c’était une façon de bien lancer sa vie quand on avait grandi chez des ouvriers. Ça ne paraît pas haut et pourtant il en a fallu, des coups de reins pour se hisser !
La marqueterie se décolle sur le côté du secrétaire. Mais ce n’est pas du côté des livres, on se mettait plutôt en état tranquille pour les consulter. De ce côté-là, il a dû y avoir des ouvertures de porte à la hâte ; c’est le coin des manteaux. Il a dû y avoir des occasions de monter en ville à ne pas manquer. Monter au faubourg c’était plus fréquent, ça pouvait se confondre avec les zébrures du revêtement de marqueterie, comme une tenue de camouflage à laquelle on ne faisait plus attention.
L’écho des grincements et des fenêtres claquées s’entend encore. Grincement de la porte du second vestibule au moment de dire en rentrant vite : fa pas calor… claquement de la fenêtre haute -celle qui s’ouvrait en tirant vers le bas une ficelle accrochée à son mécanisme à glissière, parce que malgré la fumée de la cuisine à certaines saisons on disait vite : ça caille…
Silipo, Bintu Tall abantale… La nouvelle du décès s’est incrustée là, dans l’angle au radiateur éteint, toujours éteint, après l’écart fait depuis la cuisine pour bien entendre seul la voix venue de si loin, avec l’odeur encore du petit pot à pisser qui se rangeait toujours sous le meuble de la cuisine, juste à côté. Le petit pot à pisser rempli, c’était le temps des bonnes nouvelles, les mauvaises sont plutôt arrivées au creux de l’oreille par des formes de téléphone, venues d’un côté ou de l’autre du vestibule.