Dans ce que l’on découvre de l’autre et de soi, il ne faut rien oublier. Rien, presque rien. Deux boucles d’oreille en or pour oreilles percées. Une bonbonnière en verre de couleur décorée de fleurs et d’un papillon. Un minuscule éléphant en ivoire. Trois draps de lin brodés avec les initiales A et B. Une boîte à lettres en bois avec une plaque de cuivre vissée sur la porte au nom de son mari. Une vierge en plâtre. Un présentoir à dessert en verre sur un pied métallique surmonté d’un vase étroit également en verre. Un pied de cordonnier en fonte à trois pieds en enclume. Une page de cahier d’écolier pliée en trois sur laquelle, enfant, son petit-fils demandait à la police de venir arrêter sa grand-mère parce qu’elle était méchante. Un acte de naissance en date du 17 décembre 1892 précisant que l’enfant et les objets trouvés sur lui même sont une coiffe et une chemise blanche. Le document de la commune de Magione, province de Perugia, précise que l’enfant, Adélaïde Tirainnanzi, est né « da une donna che non consente di essere nominata ». Adélaïde ne fut reconnue par sa mère, Consiglia Biancucci, qu’en 1922, l’année de son mariage, en France, avec Ugo Pandolfi, typographe, né à Palaia, province de Pisa, en 1890.
Tirainnanzi, « tire en avant » , le patronyme attribué à Adélaïde à sa naissance, est une expression que l’on trouve dans le célèbre roman d’Alessandro Manzoni, « I promessi sposi »: « tira innanzi senza domandarne il nome ».
Quand il se retire en Toscane pour améliorer la langue de son roman « Les Fiancés », Manzoni affirmait qu’il devait « rincer ses draps dans l’Arno ». Les trois draps de lin qu’Adelaïde conserva précieusement intacts toute sa vie prirent sens et se déplièrent 48 ans après sa mort, 129 ans après avoir été nommée Tirainnanzi par un employé de mairie. Depuis l’année 2021, un(e) minuscule éléphant(e) en ivoire veille en effet sur les trésors modestes d’Adelaïde.
… modeste (est un très joli mot) les objets d’Adélaïde en recèlent la poésie secrète
Des soupirs de vie. Poésie secrète, c’est vrai.
Quelques mots pour dire l’indicible + Adélaïde maintenue par des rivets. Tendresse
seuls les modestes sont à regarder, aimer, en silence pour leur garder leur vertu