Psyché – près de la fenêtre brumeuse de mousseline, en biais, cette surface où se perdre et ce jeu déçu de la bascule entre les deux colonnes de bois sombre de ce rectangle d’éclat liquide sous le fronton, élan freiné par un mécanisme… avancer vers soi, se tourner… la pièce déformée par le reflet… le corps l’est-il ?
Minaudière – une minaudière n’est pas une tortue, on ne met pas de mouchoir brodé, en dentelle, ou même uni dans une tortue. On ne met pas de plume teintée de rose, de plume ébouriffée blottie dans un cube d’argent, dans une tortue.
Robe du soir – le gris n’est pas de l’argent, l’argent est trop dur. L’argent a des reflets piquants sous un spot, ce gris est soyeux, luisant sous la caresse des lueurs. Une colonne en argent est raide, ce gris est colonne souple, une chute d’eau, un vase étroit, un soliflore.
Brosses – la douceur de la tige qui s’épanouit ovale, le dos légèrement bombé, l’éclat sourd du vieil ivoire cerné d’argent, les poils soyeux si serrés et doux qu’il doit leur être impossible d’avoir autre utilité que d’être l’image d’une caresse pouvant glisser sur les boucles blanches ou bleutées par le coiffeur sans les déranger.
Poudrier – un cylindre bas de cristal taillé, un bouchon de métal argenté orné d’une rose Moderne-Style, une idée de nuage, de cygne posée sur une masse pressée d’un rose bruni.
Coiffeuse – le chatoiement des bois, les jambes en courbe tendue, les deux blocs de tiroirs, les fleurs épanouies de la marqueterie des plateaux, la table creuse qui les unit, le liseré de feutre vert usé et légèrement poussiéreux sous la charnière du miroir qui doit venir s’y encastrer mais ne le fait jamais, l’assurance d’un corps assis, jambes bien rangées dans le trou, yeux scrutant la glace.
Chaussures – cuir gris, talon moyen, un peu épais qui se veut d’ancien régime, une rondeur confortable et la grâce de la découpe pour montrer le coup-de-pied.
Tailleur – lainage sec, chevrons minuscules gris et bleu-gris, jupe droite à mi-mollet, une fente dans le dos, au cœur d’un soufflet comme d’un étui, veste qui se veut réservée mais marque en douceur la taille et l’étroitesse des épaules, mélange de sagesse autoritaire et de fragilité rassurante.
Une boite – comme un tambour de colonne cannelée, mais en laque, en laque rouge à petits personnages ou animaux réduits à des virgules dorées et un masque ricanant sur le dessus, mains sur les côtés soulever les parois, intérieur en deux étages de bijoux, fantaisie sur le dessus, un peu plus précieux en dessous, et puis une rose séchée.
Une malle – pour rêver, en se souvenant, ou en imaginant, une énorme malle penderie doublée de bois de camphrier, flottent des images de paquebots, de Suez, de Saigon, de Panama, de robes blanches et de casques coloniaux.
Des cartons à chapeaux – comme l’époque autorise à sortir dans la rue en cheveux sans être prise pour une fille, leur contenu voit rarement le jour.
Un manteau – une forme maussade, les merveilleuses petites boucles soyeuses de l’astrakan, un poids qui rapetisse toute femme se risquant à le porter.
Un tiroir – des chemisettes de cotonnade fleurie, ou de nylon, des chemisiers de popeline, de coton, de soie, unis, ou celui en crêpe de Chine brodé pudique et sensuel.
Pour la pluie – l’horreur d’un mini capuchon de nylon – petites fleurs sur transparence, pliage en accordéon pour le transport.
adorable ! la délicatesse surannée de choses que je n’ai jamais connues (sauf le capuchon de nylon).
merci (l’horreur !)
La féminité et ces objets, quel beau voyage.
silhouette incontestablement féminine oui
Merci, Brigitte, pour l’hymne au gris de la robe du soir, pour le poudrier ramené au jour et aussi l’expression sortir en cheveux, et l’astrakan comme sorti de la valise où je l’ai enfermé il y a longtemps, manteau de ma grand-mère, celle qui n’était pas riche, incapable que j’étais de le jeter et au bout des doigts à vous lire le plaisir de l’enfant étonné de ces poils noirs courts et surtout rebelles à la caresse, refusant de courber l’echine, comme toute fourrure qui se respecte, ses petites boucles rebelles. Je vous embrasse.
Anne, le manteau en question a fini en veste pour moi (à l’initiative de ma ère qui voulait aider ma petite bourse et me donner un air bourgeois) et l’ai porté une fois;.. impossible, lourd paquet (un peu usé aussi)
Retrouvé avec ravissement le manteau d’astrakan dont j’ai failli parler, celle qui la portait en était fière et déjà pas très grande, encore rapetissée…bien observé, merci pour ce souvenir!
il suffit d’en avoir posé un sur ses épaules si on n’est pas une superbe sportive pour savoir 🙂