Elle est assise sur le tabouret, dans le recoin, entre le mur du fond, l’armoire et le piano; elle ne se lève pas quand l’élève entre dans la pièce; elle l’accueille d’un « bonjour petite, comment vas-tu ? »; elle attend qu’elle s’installe; elle lui prend son carnet; elle le feuillette, elle s’arrête à la page du dernier cours; elle lui demande de commencer par les gammes; elle lui redit de faire attention que si on passe le pouce en montant la gamme, on fera l’inverse en la descendant; elle regarde avec attention; elle écoute avec précision; elle se soulève légèrement de son tabouret, la main en l’air, elle attend, elle tourne la page au bon moment; elle se rassoit confortablement; elle a faim; elle pense au cassoulet que sa sœur prépare pour le déjeuner; elle caresse le chat qui grimpe sur ses genoux; elle a envie de tarte tatin; elle regarde son élève avec affection; elle se souvient de ses 16 ans et de Jean.
Elle lit assise sur leur lit; elle l’entend rentrer; elle le voit se faufiler dans la salle de bain; elle l’appelle; elle le regarde s’asseoir sur le lit; elle attend qu’il lui parle; elle pose son livre; elle enfonce discrètement son poing serré sous la couette rose; elle pressent le moment fatal, le choc; elle tourne légèrement la tête vers la baie vitrée; elle regarde les toits de Paris; elle a chaud; elle remarque une fiente sèche en haut de la vitre, à gauche; elle revient vers lui; elle respire largement; il parle; elle l’écoute; elle le devinait; elle s’en doutait, maintenant elle le sait; il vient de lui dire; elle s’étonne de respirer encore; elle n’a pas perdu connaissance; elle est toujours là, assise; elle est vaillante; elle le regarde; elle lui sourit, une larme coule sur sa joue.
Elle se lève; elle dépose son assiette dans l’évier; elle se dirige vers le placard; elle ouvre la porte; elle tire discrètement le tiroir; elle sort la tablette de chocolat; elle casse un carré; elle le déguste avec bonheur; elle range la tablette de chocolat; elle repousse le tiroir; elle referme la porte du placard; elle se dirige vers la cafetière; elle se sert un café; elle se rassoit à la même place; elle rassemble machinalement quelques miettes de pain, elle les dissimule sous la soucoupe; elle caresse la nappe; elle plie sa serviette; elle se lève; elle éteint la lumière; elle sort de la cuisine.
de femme assise en cuisine, beau contrepoint
Merci beaucoup pour votre lecture précise, précieuse
On glisse des décors intérieurs aux pensées des personnages, tout est décrit avec finesse. Bravo.
Merci Laurent à bientôt