Elle regarde sans rien voir depuis sa fenêtre ; elle feint de ne pas voir les regards posés sur elle; elle entrevoit à peine les regards jetés vers elle depuis la cour; elle voit les mêmes tous les jours, sans les connaître ; elle n’a aucun salut ou geste de la main pour elles ; elles ne savent pas qu’elle est là depuis peu ; elles sont nombreuses et si elle reste suffisamment longtemps, elle finira bien par les connaître ; elle sait ; elle les reverra sans doute demain, même endroit, même heure ; elle regarde au loin ; elle aimerait être ailleurs, au delà de ces murs grisâtres sans âme ; elle est ici perdue dans ces blocs de béton, semblables aux uns et aux autres ; elle contemple fascinée, cette perle vacillante ; elle est en équilibre précaire ; elle est déjà tombée ; elle se relèvera encore fragile ; elle ne s’en remettra pas ; elle va s’écraser ; elle va rebondir ; elle en est sûre ; elle cherche son reflet dans cet éclat en suspens ; elle est là chaque jour de pluie, fidèle à sa nature tourmentée ; elle n’est pas là depuis longtemps ; elle est là par accident ; elle aussi ; elle meuble sa solitude ; elles n’échangent aucun mot ; elle n’a personne à qui parler ; elle est indifférente ; elle n’est là que pour un moment ; elle aussi ; elle disparaîtra quand elle le pourra ; elle s’évaporera ; elle s’enfuira peut-être ; elle sortira par tous temps ; elle s’en ira quand il fera chaud ; elle n’est bien qu’à l’ombre, à l’abri des tourments ; elle est bien à l’ombre à l’abri des vents ; elle reviendra, comme toujours ; elle espère ne pas revenir de sitôt ; elle aime être à l’ombre mais pas comme ça ; elle est à l’ombre parce qu’il fait frais ; elle est au frais à l’ombre ; elle est à l’ombre été comme hiver ; elle, elle n’aime pas l’hiver ; elle gêle ; elle n’arrive pas à se réchauffer ; elle a froid depuis longtemps ; elle a le coeur transi ; elle a disparu dans un souffle d’air; elle a quitté sa fenêtre à regret, d’un pas pesant ; elle a regagné sa cellule.
Une belle nouvelle, la solitude parmi les autres, j’ai été surpris à la fin, pourtant le titre est clair, mains non, je n’ai rien vu venir, bravo.
merci beaucoup…
Idem, rien vu venir avant le dernier mot, du coup, j’ai à nouveau lu le texte avec un nouvel angle et c’était comme un autre texte. Merci.
merci à vous