Les mots, les mots écrits, les mots écrits dans les carnets, les carnets reliés, les cahiers agrafés, les blocs à spirale, tous les mots inscrits dans ce fatras de papiers sont la clé. Le passe ouvrant à tous les personnages, tous les lieux, toutes les pièces. Un long couloir distribuant une infinité de chambres transformées en bureaux minimalistes. Une table, une lampe, une chaise, de quoi écrire, une ramette de papier. Plus tard aussi, une table, une chaise, une tour, un clavier, un écran. Plus tard encore, une table, une chaise, un ordinateur portable, une tablette, qu’importe. Il y a foule à présent dans ce couloir semblable à celui que Le Clezio traversait quand il habitait sur le port de Nice passant de personnages en personnages et de lieux en lieux. Comme si les portes des pièces différentes étaient closes, les personnages, hors lieux, errent en masse dans le couloir. Hors sols, ils se pressent et suffoquent dans le mauvais rêve dont nul ne sort indemne. Il est trop tard pour remettre de l’ordre, retrouver chacun en son lieu, chaque lieu à sa place. Il n’est plus temps. Antoine, sur une terrasse face à la mer, attend de ne plus vivre à l’heure qu’il a choisie. Clément, héritier de la maison de son ami, apprend à reconnaître les oiseaux. L’étang de la fiction devient le lieu où je marche là où mon personnage amoureux conduit celle qu’il aime. Et celle que j’aime vient écrire là où j’imaginais en vain que l’on pouvait écrire la fin d’un roman sans fin. Une table, une chaise, de quoi écrire. Si toutes les pièces se valent, les traverser est un voyage en soi-même tel un rêve dont je suis tous les éléments. Epuiser les mises en scène de soi, passer de pièces en pièces, se traîner d’un personnage l’autre, jouer même à écrire n’est-ce pas divaguer pour rien ? Tourisme nombrilique craignant le naufrage. Privés d’autrui, sans air, sans autres qu’eux mêmes, les passagers du couloir sont prisonniers de leur chaos. Ils y resteront. Les deux seuls survivants avaient eu le temps de fuir, de changer de couloir, sans clé, sans franchir de porte, sans chaise, sans table,sans crainte du temps. Ils s’étaient simplement murmuré leur nom, comme on se prend par la main.
Magnifique détournement de consigne ! enfin si j’ai bien compris la consigne et rien n’est moins sûr, ce qui est sûr, c’est que ces couloirs remplis de personnages en quête ou non d’auteur, ces tables et ces de quoi écrire traversant le temps, c’est très beau.
passant de pièces en pi!ces avec des jambes des yeux mais surtout un cerveau (sourire admiratif)
Lecture qui m’a pris la main. Simplement.
Merci Catherine Plée, merci Catherine Bourzat, merci Brigitte. Vous encouragez mes dérives. Est-ce bien raisonnable ? Merci dans tous les cas de vos lectures et de vos riches écritures.
Ce couloir de l’amour est un très touchant transport en commun
Rétroliens : autobiographies #15 | Un couloir et des portes – Tiers Livre, l’atelier permanent