Dans la chambre habituelle, ancien grenier boisé, il dort peut-être, impose sa forme au plaid orange, son corps vallonné vibre à peine, son visage esquissé dans les plis sombres des draps fleuris fait face à la porte qu’on ouvre pieds nus sur le carrelage humide, les marches épuisées déboulent dans un habitacle mansardé moquette tendre, les affiches tiennent les murs, la voix de la radio rythme le silence de la nuit, de la pluie chantant sur la tôle, une voisine fait l’amour en hennissant, un chevalet tombe, on le dépose tout près du cagibi où s’est changé le modèle, une femme à la peau blanche, douce et nue sur l’estrade accolée aux baies vitrées, elle offre ses muscles tendus à la lumière rose, l’homme barbu circule entre les yeux et dit: un volume est toujours posé quelque part, ne pas dessiner le corps en premier, flottant, sous peine d’en ôter la vie, il parle tout bas dans son oreille, ajoute aux mots son haleine, on sort par une porte battante maculée de fusain, on pose ses mains noires sur l’aquarium chaud, glouglou tranquille de vase et de bulles, gravier blanc, caillou noir posé au centre, végétaux fébriles sous un néon vert, les minuscules bébés nagent hagards dans une boite en plastique où aucun adulte ne pourra les gober, ces derniers forment des cercles dans leurs parures vives, combattent puis sautent dans les jouets, elle les retrouvera secs et durs au milieu des legos et des voitures métalliques, sortira de sa chambre pour les jeter dans les toilettes où elle plongera à son tour, on l’y suivra afin de retrouver, dans le silence et la nuit, d’autres peaux que la sienne.
sous le charme