Nous bougeons ce n’est pas le train voisin qui s’en va nous roulons la pression du départ les étreintes sur le quai ont vécu, le train quitte la gare s’ébranle lourd portes verrouillées et gueule ouverte dans la nuit qu’il transperce il y a une lettre manquante à l’entrée du compartiment, il n’y a pas de paysages encartés ni de filets de protection pour les bagages sur la paroi lisse au dessus de la banquette pour plusieurs tangage des corps debout déséquilibrés soudain en alerte engourdissement à venir avec visages immobiles corps mous affalés maladroitement enlacés et bruits molletonnés pour le moment l’oreille entend la roue sur le rail, tressaille lorsque le martellement change de cadence le train frappe écrase continuement sa travée, troue la nuit qui se reforme aussitôt… Dans ce compartiment nu pensées obscures et froides d’ hordes pensant fuir l’effroi se traînant encore abasourdies espérant un départ promesse pensées de corps rebasculant vers une destination plus apaisée peut-être avec encore dans la tête des râles de danse macabre dans la nuit débraillée dans la nuit traversée aperçue la travée sous le pied encombré et le son du roulement amplifié, égarement éprouvé déjà des soliloques paroles heurtées voies enferrées impression d’aiguillages mal orchestrés, aléatoires spectre du désastre bruits d’acier et la nuit qui s’avance plus noire encore… Evoquer leur trouble… oscillations du flux des voyageurs arrivés dans la gare ses enseignes éclairées, plutôt loupiotes faiblardes, l’autobus avant, la bousculade la cigarette à moitié fumée le café brûlant, les escaliers pour l’accès au train une femme enceinte qui sourit la chaufferie sur le quai son sifflement le chef de gare goguenard le chuintement des pistons leur soufflement qui s’étire les wagons s’enclenchent des soufflets encore, le départ imminent le sifflet le départ parmi les voyageurs sur le marche-pied une famille fatiguée éreintée un couple avec trois enfants pas vraiment très propres, des valises partout jusque sur la tête et la femme tenant à bout de bras une cage avec un oiseau qui s’affole.
C’est incroyable … D’abord j’étais persuadée qu’il s’agissait d’un voyage en bateau, le chahut du déséquilibre et les remous, alors quelle surprise à l’évocation des rails, et puis à la fin cet effet surprenant où l’on quitte soudain le corps, pour voir enfin, et ce qu’on voit est si insolite ! Que plus rien ne bouge !
Alors le voyage s’est bien passé ? C’est ce qui compte. Merci Françoise pour cette virée.