Nous pourrions être engloutis. Ils nous dépassent, sauvages. Prennent de la hauteur. Nous sommes auréolés. Menus, même gras. Admiratif de la pousse qui bousculent mais trouve place dans l’immensité.
Lorsque je marche, je tremble devant leurs grandeurs.
La beauté réside jusque dans la pourriture de leurs racines. L’odeur s’accroche au nez sensible mais n’agresse pas. Elle rassure, nous trouve en bon état. Respirant.
Être bousculé.
Nos pas s’accordent à l’éphémère. Leur présence durable apaise. Marcher. Avancer. Sans discontinuité. Rêve éveillé de celui qui cherche à maîtriser les codes d’un monde sans souffle vital.
Je voudrais plonger ma tête dans la terre. Avaler la boue. Me confondre avec la partie cachée. Invisible. Qui nous repousse.
Nos corps deviendront compost. Viendra le jour où nous pourrons rendre à la terre ce qu’elle donne. Généreuse acclimatée. Il faudra défaire les couches d’écorce pour accéder au cœur de ce qui maintient en vie.
Devenir tronc, s’enrouler au creux.
Femme tronc
désolation
Femme tronc
fondue dans les veinures blessées
de sa peau
Parure pour chasseuse ou pour proie
Choix
Femme tronc
transperce l’écorce
s’abreuve de sève mielleuse
Surseoir à l’appétit goulu de celui qui veut
Posséder
Celui qui soumet
ceinture
Femme tronc
accueille
la ronde mortuaire de l’hiver qui s’annonce
Femme tronc
révolution ou désintégration
Je vais me planter là. Au milieu d’eux. Semblables. Ronds. Taillés en spirale, ils s’accordent au paysage, à la chaleur. Plantés pour durer, pour s’imposer. Dans les champs sans soin, ils grandissent. Avec, ils implosent. Don de fruits. Dégustation après saumure, salade après pression. A froid, de préférence.
Devenir tronc d’un olivier ? Biscornu, fin, sec. Il étoufferait les chairs.
Il faut un tronc large qui nourrit. Un saule balaiera l’impuissance en laissant couler les larmes. Abri sous feuillage. Il attirera confidence.
Robuste, il s’enrichira du sel de nos doigts.
Contempler, se cacher. Adorateur de secret. Tu lui confies même la rage. Celle qui scinde. Refuse de s’extraire. Elle s’installe, compile les armes, compulse les drames et retient l’eau.
Parcouru par le frémissement du vent. Tu t’installes et attend. Que le temps s’écoule jusqu’à maturité. Attendre de vieillir pour décider le chemin. En tailleur, à genoux, en boule tu médites à rebours de ce que tu penses savoir.
Être un saule
Epaules tombantes
Au sol
reçois la pluie
reçois les nuits
accueille les cris
Être un saule
Les larmes m’évadent
Les larmes m’étoffent
Corps fissuré
Mais robuste
Réceptacle de déceptions lorsque tu fais des choix qui t’éteignes. Le saule t’apprivoise, t’apprend. Ne recule devant aucune brimade. Il sait. Persévère. Déploie ses feuilles gouttes sur ta peau. Légères, elles caressent les stigmates.
L’arbre ploiera jusqu’à guérison complète. Cicatrices voilées. Mince lignes blanches raconteuses d’histoires sans fin.
La fin en pluie de cendres soufflées du bas. Elles remontent. Panache d’un corps devenu poussière
puis recommencement.
Le saule reste là. Il ne trébuche pas. Comme toi quand tu sauras. Robuste, il attend le suivant.
Les blessures deviennent souvenirs, évincés par la pluie. Tu chasses ce qui aspire. Les ondes sur le lac attenant te rappellent que tu existes. Ton reflet dans l’eau ne te ressemble pas. Le saule recoud les mémoires et bordent les coins envolés.
Tu sais maintenant.
Il faut continuer de pousser droit.
Laisser la place à ce qui pourrait.
Le saule n’est pas au bon endroit.
Et moi ?
J’ai aimé la lecture de votre texte et notamment les parties poétiques.
La femme tronc, être un saule – Bon dimanche.
Merci Clarence. 🙂
« Je voudrais plonger ma tête dans la terre. Avaler la boue. Me confondre avec la partie cachée. Invisible. Qui nous repousse. »
C’est vrai. C’est beau. Merci
Merci Laure de votre commentaire.