Racines rhizomes puissantes creusent galeries sous terre bousculent sur leur passage murs, murs construits à la hâte par des hommes avides de sécurité, de séparation, ou de barrières entre eux et les autres, mais l’arbre renverse l’ordre, les plans et déloge la brique, fend le plâtre, craque le béton même armé.
Depuis des lustres, ce qui nous lie s’échappe en notes intimes odorantes de ses feuilles. Une main, feuille de cinq doigts veloutés se tend vers nous, une invitation à humer, à arracher, à voler et à se remplir de sa fragrance. Un parfum qu’on sent de loin, bien avant de découvrir l’arbre, adossé à un mur en ruine, dans une ruelle provençale, dans un jardin ensoleillé. Parce que le figuier a besoin du soleil, celui de la Méditerranée pour donner par dessus les murs ses fruits-fleurs violets ou verts, invitant les passants à se servir, à grimper sur le muret, à les dévorer à pleine bouche, le suc épais au coin des lèvres. Longue histoire de cet arbre, aimé, choyé, apprivoisé par les humains depuis la préhistoire.
Son odeur râpeuse joue de l’orgue sur la mémoire et fait surgir des enfants jouant dans son ombre, leurs bagarres interminables pour ses figues dont la peau résistante craque sous le soleil ou la dent offrant aux bouches assoiffées une multitude de grains savoureux et réconfortants. Genoux éraflés, violence enfantine, écho des guerres adultes, sang rouge, rouge sang de la pulpe nourrissante, goût sauvage des souvenirs brûlants que l’on déguste grain à grain dans un bain d’effluves généreuses.
Amour des figues et des figuiers. Bien réussi.
Merci Danièle ! Oui, le figuier me mène depuis bien longtemps par le bout du nez…