avant de rentrer chez lui ce jour de juillet Felice Maniero s’embarque seul à bord du vaporetto lent s’enfile sous un pont qui alors qu’il s’en éloigne dessine un œil géant puis petit on dirait d’après réglage de focale il pense comme souvent à sa mère le yacht Lucia à qui il a donné son nom lui a valu son arrestation servie sur un plat d’argent un jour à Capri à présent il rentre tôt il pense comme toujours qu’il est suivi
des mercenaires avaient appelé au hasard des numéros à partir de son téléphone portable d’autres étaient parfois accompagnés de jeunes bergers qui frappaient aux portes d’autres encore arrivaient à bord de voitures aux vitres de verre fumé
les images avaient repris des tas de cadavres de l’armée ? repêchés dans le fleuve des masques épais flottaient à la surface de gros bouillons d’eau rouge où dans son envers acronymes majuscules minuscules de groupes filamenteux mafieux thalles lames repliées sur elles-mêmes et armées dessinaient le longs d’axes différenciés des circonvolutions flottantes rampantes criminelles Après les premières manifestations de 2011 quarante-cinq mille mercenaires étrangers masqués rentrés dans son pays à partir de la frontière turque avaient été payés par qui
l’un des enfants des marais dresse souvent sur le sable une nappe et y dispose des cartes à jouer formes souples plastiques qu’il s’amuse à faire parler telles des acteurs de théâtre se répondant entre eux il s’empresse alors à l’occasion de changer de voix tonalités et de créer des dialogues des chœurs Si les cartes s’envolent il leur court après et les gronde elles doivent obéir à des règles dont lui seul est le décideur elles s’inscrivent pour lui dans un jeu sacré du réel n’ayant d’autre sens or que lui-même permettent ce spectacle d’un monde à part du dedans-dehors