Entrée par le grand portail en chêne, deux battants, deux serrures, à droite sur le mur une rangée de boutons de sonnettes, l’immeuble s’est modernisé, le couloir sent toujours la poussière, un peu le moisi, un peu le désinfectant, odeur familière jusqu’au premier étage par un escalier tournant, vingt-quatre marches qu’il s’est efforcé toute sa vie de grimper d’un pas léger
Entrée par une porte à deux battants, bois vitres fer forgé, deux serrures de sécurité, une sonnette stridente, antichambre au parquet blond verni, à gauche la cuisine, étroite, mais éclairée, il a appris sur le tard à faire le café dans la cafetière à filtre, il a appris à cuisiner sur le réchaud à gaz, le lave-vaisselle ne sert plus, l’évier suffit, il a toutes les commodités, il n’en a pas besoin
Tout droit la porte ouverte vers la salle de séjour, pièce à tout faire depuis qu’il est seul, en face un bureau bois foncé, massif, plateau couvert de piles de papiers, de journaux, de livres, amassés, mélangés, fusionnés et lui qui, cherchant un magazine, une lettre, une photo, tendait les mains, écartait quelques feuilles et trouvait cet objet sans difficulté, assis dans son fauteuil de bureau placé au milieu, derrière la masse de papiers faisant comme une barrière, ou une protection, éclairé dans le dos par une fenêtre tourné vers le sud, éclairé auréolé par le soleil. Au milieu de cet amas, il y avait une petite place pour une lampe de bureau chapeau conique en métal noir, lumière forte projetée en cercle bien délimité, à sa droite une étagère, plutôt une commode couleur acajou verni, fermée par une vitrine, des livres encore, livres techniques, peu de romans, des récits de voyages, quelques classiques, et posé au-dessus un ancien poste radio années 50, lourd, encombrant, une radio rectangulaire coins arrondis bois verni couleur chêne, la lucarne devant sur le haut en tissu ocre moutarde, dessous vitré avec les cadrans dorés et quatre boutons noirs crantés, musique classique, émissions sportives, informations, et ce vieux poste relégué, remplacé depuis longtemps par un poste de télévision grand écran posé sur une table tréteau laquée noir à côté du bureau. En face, son fauteuil années 50 coquille rembourrée d’un lainage beige, du tweed, solide, dans lequel il s’installait pour regarder ses émissions sportives, expert en ski et en tennis, friand d’émissions culturelles et de documentaires, une table années 50 en forme de haricot à trois pieds fins en bois clair plantés en biais comme des allumettes en équilibre précaire, un plateau en mélamine mosaïqué gris où poser assiette, verre et couverts, une serviette, il y prenait la plupart de ses repas depuis qu’il était seul, un double plateau en dessous comme une tablette, les pieds mal à l’aise cognaient et secouaient ce mini-échafaudage, encombré par des cahiers, des crayons et des Bics, un agenda dans lequel il notait les évènements de la journée, des réflexions, des pensées, dans son dos un grand écran d’ordinateur sur une table légère, un mac, la famille le lui avait offert, il s’efforçait d’apprendre les mails, la webcam, pour leur faire plaisir, derrière sur le mur un téléphone fixe et des photos, enfants, petits-enfants, portraits, photos de groupe, la famille, une grande famille, alignée sagement pour le photographe, et posé sur la table haricot, à côté de la tasse à café, un portrait de femme tenant le téléphone à l’oreille, grand sourire jusque dans les yeux, rayonnante, et une rose séchée dans un mini-vase en cristal..
Bientôt tout sera parti, enlevé, appartement rendu, vidé, abandonné, toute une vie effacée, reste le souvenir…
J’aime beaucoup cette suite de touches, cette profusion de détails énumérés pour peindre un tableau qu’on balaie du regard et dans lequel on entre pour s’immerger. Un décor plein de vies.
Merci JLuc, c’est réconfortant de lire ces mots qui m’encouragent… après le choix difficile du sujet, écriture pleine d’ardeur, mais dans la solitude, dans le doute, en me demandant si le texte sera lu, compris, plaira…c’était un rayon de soleil dans la grisaille…Merci! Et on continue…