J’ai 7 ans, c’est la St Jean, assise autour du feu, je me réchauffe, hypnotisée par les flammes, bercée par le souffle du feu, excitée par le crépitement des branches, blessée par le craquement des bûches, une dernière fois l’entendre s’exprimer, l’arbre de mon jardin. On rit, on chante, on danse, on appelle cela un feu de joie. Ô douleur de la première fois, demain mon arbre ne sera plus, je récupèrerai une braise froide, je la garderai dans une boite que j’aurai eu soin de capitonner de feuilles.
J’ai 12 ans, pendant le cours de gymnastique, l’agréable exercice de l’arbre: les pieds écartés à la largeur du bassin, les bras tendus vers le ciel légèrement plus écartés que les épaules et la voix de Mme Renouf « Allez les vaillants, comme des arbres étirez vous, déployez-vous, rejoignez la terre et ciel»
J’ai 17 ans, je suis toujours fourrée dans la cave avec les garçons. Joie de les regarder bricoler les moteurs. Avec excitation, je les écoute, parler de culasse, de turbo, d’injecteur, de kit de distribution mais la pièce qui me laisse le plus pantoise est l’arbre à camme. Je ne veux surtout pas que l’on m’éclaircisse l’énigme de cet arbre dans le moteur
J’ai 19 ans, quand il voyait un arbre sur la terrasse d’un appartement en étage élevé, mon petit frère s’interrogeait sérieusement et il nous demandait « mais où peuvent bien être leurs racines? ». Je pensais alors qu’il n’est pas toujours agréable ni gratifiant de savoir où sont les racines.
J’ai 27 ans, je rêve de la cime de l’arbre
J’ai 33 ans, à Wuhan m’immerger dans les Cerisiers en fleurs
J’ai 36 ans, femme triste, j’écoute le froissement des feuilles hautes dans le vent, le craquement des branches, le pépiement des oiseaux, le bruissement des ailes, l’envol des tourterelles, la chute d’un marron et je reste seule.
J’ai 41 ans, debout contre l’arbre, y apposer mes mains, caresser l’écorce, palper la rugosité, sentir les odeurs, écouter les craquements, le prendre dans mes bras, l’encercler, entrer en contact, m’y adosser, m’y appuyer, m’asseoir, me laisser consoler et reprendre confiance.
J’ai 54 ans, à la Fondation Cartier m’immerger dans les Cerisiers en fleurs.
J’ai 108 ans, je suis enterrée au pied de l’arbre mes cheveux se mêlant aux racines.
Touché par la femme triste! Merci pour tous ces ressentis…
« Un jour je serai enterrée au pied de l’arbre mes cheveux se mêlant aux racines
Et voilà, je suis restée au stade de l’arborescence »
Mmm, jolie cette image et cette fin d’histoire Cécile.
j’aime cette idée de tous les arbres d’une vie, et l’arbre à camme donc !