Une salle, cubique, et sur tout le pourtour, un rebord sur lequel reposent des boîtes, du format d’une boîte à chaussure, toutes identiques, percées d’un cercle et d’une lentille sur le devant. On y applique l’œil.
Première boîte : Elle se voit : A quatre pattes, une brosse à dent à la main, elle frotte les joints entre les dalles du carrelage rose pâle. Son t-shirt trop grand lui descend sur les fesses et traine sur le sol. Un lapin, il y a un lapin dessus. Elle n’a pas de pantalon et ses pieds sont nus. Ses cheveux retenus en arrière ne camouflent pas l’humiliation silencieuse.
Deuxième boîte : Elle se voit : Elle a la tête renversée au-dessus de la baignoire. L’eau coule noire de ses cheveux. Elle a un tatouage dans la nuque. Un éclair.
Troisième boîte : Elle se voit : Elle passe un chiffon pressé sur un bouledogue rouge en poly résine haut de 43cm. Elle porte un pantalon noir serré, un long gilet gris chiné et des cernes marqués. Une enfant est agrippée à sa cheville gauche, bouche ouverte sur une frustration rageuse.
Quatrième boîte : Elle se voit : Elle est dans un lit, en soutien-gorge et jupe, uniquement. Elle vient de rejeter les draps. Une trace de sang lui barbouille l’intérieur des cuisses. Une forme est allongée à côté d’elle.
Cinquième boîte : Elle se voit : Elle est entre deux tables d’écolier. Elle fait « hou hou hou » en tapotant sa bouche de sa main, son autre main s’agite en rythme dans son dos, elle sautille, habillée en indienne, une tresse blonde sur chaque épaule, une plume dans les cheveux.
Sixième boîte : Elle se voit : Elle est à genoux sur une moquette vert foncé. Elle enfile une chaussure jaune à talon haut et bout pointu sur un pied gainé de collant chair. Quatre boîtes sont ouvertes à sa droite. Chaussures de femme taille 38 plus ou moins emballées. Son ventre est tendu de vie.
Septième boîte : Elle se voit : Elle est assise sur l’accoudoir d’un canapé, les genoux relevés, retenus dans le creux des coudes, L’une des mains tient le poignet de l’autre. Dans l’autre main, un cutter. Elle regarde le tableau posé sur un chevalet. C’est un dessin, un portrait, un portrait plus grand que nature, qui mange tout l’espace, le portrait d’une petite fille aux joues rebondies, une petite fille au visage presque deux fois plus grand que le sien.
C’est intense, un peu dérangeant, sensible, bravo.
Merci Laurent. J’ai les images en tête mais c’est difficile de s’imaginer ce que voient les lecteurs.
Etrange ces 7 boîtes contenant ce qu’elle voit. Moi aussi je vois avec précision ces scènes attrapées/épinglées. Fulgurance des images.
Merci Louise pour ce coup d’oeil avisé dans mes boîtes