Miroitement. Les arbres s’enlacent au-dessus de la rivière et filtrent le soleil d’été. Le lent courant charrie brindilles et feuilles déchues des arbres. Près de la berge herbeuse, une palette flotte sur des bidons de plastique blanc. Un léger bourdon dans les branches distraie de la chaleur. Deux enfants, presque jumeaux, aux chapeaux orange pour l’un, bleu pour l’autre, jouent à genoux sur les planches de bois. Une brindille s’anime – ondulations semblables aux hypnotiques volvoces – s’incline et s’ouvre d’un large sourire édenté. Sidération.
Longue plage de sable. A main gauche les bouchots disparaissent sous les flots avec leurs grappes de coquillages. Les vagues successives repoussent un tracteur qui teuf-teuf et remorque une barge. Deux cirés jaunes dessus. Le regard suit la dune où l’Oyat le dispute au Chiendent des sables. La ligne de fuite se brise sur la pointe d’Agon. Bourdonnement incessant dans les oreilles. Prendre appui sur le vent. Je marche légèrement courbé. Mes pas disparaîtront bientôt. Marée montante.
De la fenêtre, le sommet du marronnier. L’immeuble en face avec ses petits carreaux de faïence orange. Il tourne le dos aux deux lits rouge. Entre chaque lit, un bureau, rouge aussi. Sur le lit le plus éloigné de la fenêtre, une guitare. Il est lassé des exercices. Un disque tourne sur la platine. En contre-bas, un enfant slalome entre les bornes de béton avec son tricycle. Il disparait rapidement sous le feuillage. Rue vide. Le blafard soleil d’hiver dévitalise les couleurs. Derrière la porte de la chambre, le banal quotidien.
Elle est assise dans son fauteuil ergonomique. Parmi d’autres fauteuils dépareillés autour de la table basse. La pièce est envahie par une cheminée imposante et massive. La grand-mère lui fait face, dos au mur de pierre. S’occupe des mots croisés à la lumière de l’abat-jour aux franges de coton. Dans un coin, la télé hurle. Le gris maussade du temps se reflète sur l’écran. La baie vitrée donne sur la rue, le petit carré de jardin et la voiture du voisin. Les petits enfants répètent, inaudibles, leurs phrases d’une petite voix fluette.
Une forte odeur de myrte. Le sentier, escarpé, sinue dans la rocaille. Les chardons écorchent nos mollets. Le dard du soleil sur nos peaux embrasées. Derrière un éboulis, la sente oblique à gauche et plonge vers la plage. En contrebas, nous distinguons une cabane en bois prolongée d’une terrasse. Le cri d’une mouette. Accélérer. A l’ombre de la vigne vierge, les rafraîchissements sur les toiles cirées, collantes. Souffler. Puis, tu te diriges vers la mer, l’empreinte du dossier tressé d’osier sur le dos nu. Immersion dans l’eau claire. Dissiper la chaleur, la fatigue.
paysages et bouts de vie, des fragments distincts, agréables à lire, à imaginer, j’aime particulièrement te voir en contact avec la nature : Prendre appui sur le vent/Dissiper la chaleur, la fatigue.
Merci Cécile. Oui la nature est centrale je crois pour moi.
C’est très beau. Il reste beaucoup de mouvements dans le cadre de l’image arrêtée. Tous les sens sont invoqués à la lecture
Bonjour Anh MAt, grand merci pour cette lecture.