Deux tasses à café vides posées sur la table; le café a coulé sur le rebord de la tasse laissant des traînées marrons sur l’immaculée blanche; le sachet de sucre que l’on a éventré, quelques grains égarés sur la surface plastifiée; une petite cuillère argentée en équilibre entre l’assiette et le bois de la table; un briquet bleu et un paquet de cigarettes vide, négligemment oubliés; une chaise écartée de la table, repoussée pour céder le passage aux corps; la chaise d’en face vide aussi, mais sagement rangée sous la table. C’est tout ce qu’il reste d’eux, de leurs mots tendres, lèvres unies et yeux fermés; ils ne s’arrêtent plus au café en se tenant les mains; ne mêlent plus leurs doigts en s’appuyant sur la table de bois; la tête ne se penche plus sur le côté pour s’abreuver des pensées de l’autre; les yeux ne baissent plus en rougissant sous la caresse des mots; et puis ce besoin de se toucher, d’être en contact avec la peau de l’autre, ils l’ont oublié. Ils se croisent le matin, sans prendre le temps de démêler leurs songes; ils se cognent, sans que jamais leurs regards ne s’atteignent. La table est vide et astiquée, pleine de leur absence; une tasse à café solitaire abandonnée sur un meuble avant de claquer la porte.