Codicille : un passage de #L2, irruption hasardeuse d'un univers qui viendra alimenter ensuite un pdf, une succession d'extraits très morcelés correspondant à chaque article de l'atelier "Faire un livre". Retour récent au pdf, tentative alors de lier les morceaux. La voix du conte émerge, une sorcière, la suppression des articles, l'inversion des mots. Un travail plus approfondi nécessiterait de se plonger dans la langue des fabliaux. Difficile de savoir si cette langue-là permettra à elle seule de lier cet ensemble hétéroclite. Un processus s'observe au fil des exercices, une tension contradictoire entre l'éclatement et l'unification de la langue, tension entre l'exaspération lyrique et la sécheresse, qui trouve sa résolution dans une certaine vision du merveilleux, viser paradoxalement un baroque sec et raide peut-être ? Cela renvoie bizarrement à la fabrication de la porcelaine, tout ce processus d'assèchement, de déshydratation, et ce choix ensuite de privilégier la porcelaine biscuit, mate, épurée ou de poursuivre en émaillant l'objet.
Version 1
La porte est de bois. Un bois dur, un bois ancien, un bois verni sillonné de veines, veinules… Un bois de chêne. Un bois issu des forêts plus au Nord où musardaient les porcs et les sangliers, où le pas de l’homme s’enfonçait parfois, dans la mousse. Par endroit l’eau sinuait en filets ténus. A travers les feuilles une lumière adoucie frappait la terre.
Un jour, elle est arrivée, dans ce pays traversé, raturé, où chaque pas, chaque sabot laissait sa marque sur la terre, la terre comme une onde ridée par le passage des hommes. Elle a suivi, comme tant d’autres, le passage des hommes, elle a emprunté la route que d’autres avant elle ont empruntée, puis restituée pour qu’elle à son tour l’emprunte et y laisse sa marque.
Version 2
La porte est de bois : dur, ancien, sillonné de veines. Bois de chêne issu des forêts du Nord où musardent porcs et sangliers, où le pas de l’homme s’enfonce parfois dans la mousse. Par endroit l’eau sinue en filets ténus. A travers les feuilles, lumière douce frappe la terre.
Un jour, Sorcière arrive, en pays traversé, raturé. Chaque pas, chaque sabot laisse sa marque sur la terre, onde ridée par le passage des hommes. Sorcière emprunte route que d’autres ont empruntée, puis restituée pour qu’elle, Sorcière, à son tour l’emprunte, y laisse sa marque.
Version 3
Une porte de bois. Le bois est dur, ancien, veiné. Un bois de chêne. Dans les forêts du Nord, musardent porcs et sangliers. Le pas de l’homme s’enfonce dans la mousse. L’eau sinue en minces filets. A travers les feuilles, lumière douce frappe la terre.
Sorcière arrive sur sol raturé. Sabot laisse sa marque, terre ridée telle l’onde, par le passage des hommes. Sorcière emprunte route par d’autres empruntée, parcourue, restituée afin qu’elle, Sorcière, l’emprunte à son tour, griffonne son empreinte sur le vieux palimpseste.
Sorcière et porcelaine : un titre-image pour 3 versions qui me plaisent.
Merci de ton passage Louise!
Passage au présent de l’indicatif + suppression d’articles : sûr que ça nous projette d’emblée au début d’un conte, ou d’un film ? Cette sécheresse que tu travailles (et pourtant, que d’eau…), ça pourrait être celle d’un scénario ou d’un storyboard : installer des vignettes qui infusent et se déploient aussi bien dans le récit que dans le lecteur. Images sucres, images infusettes…
Tu écris « Sorcière » et on est dedans (comme dans Max et les Maximonstres, le film).
Je pense que cette lutte acharnée contre le lyrisme et cette aspiration à la sécheresse pourraient aboutir à un pdf très court… Ciseler un texte pendant des années… jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un unique mot… sensations de mousse, réchauffement climatique, marais, coléoptère carnassier… PLOUTCH.
Plus sérieusement, tes remarques sont toujours aussi précises et situées. Très utile, merci !