autobiographies #04 | la chasse au passage

C’est un carnet récupéré il y a quelques années, dans un sous-sol, il trainait. Il est en cuir fermé d’une pression dorée, petit il tient dans la main, c’est un objet doux au toucher et un grain fin ajoute à sa délicate matérialité. Il est emporté sans demander et remisé dans un coin. Les années ont passé, et le voilà prêt à livrer ses secrets, la formule est dite et il s’ouvre à des yeux qui peuvent enfin le regarder au delà de la sensation du toucher. Il est rempli d’une écriture penchée, lisible, ourlée, et les mots sont écrits au crayon à papier. Petit crayon de bois glissé sur le côté, facile à attraper. Y sont recueillis en vrac des objets, bonnet, moufle, fil à broder 931-813, housse de couette 2m40*2m20, des numéros de téléphone 01 45 52 99 72, un livre Camus l’Algérien, un spectacle Casse-Noisette, des noms de fleurs – anémone du Japon – agapanthe blanche… et une adresse :

Passage Palais Royal
? 


deux pages plus loin, même endroit et comme un moyen pour s’y rendre :
Galerie Véro Dodat, Parking Croix des Petits champs, rue du Boulon

Dans mon souvenir elle m’y avait trainé, j’ai oublié, et depuis j’y suis quelques fois retourné. Un passage, des miroirs, des lyres sculptées, un sol damier, un toit voûté. Des boutiques de chaque coté, des objets d’art, du mobilier, des tissus soyeux, des souliers chics, une ancienne imprimerie. Des peintures de dieux grecs au plafond, les beaux arts représentés. Des gens à vélo, à pieds, des habitués, des touristes emmitouflés. A deux ou seule, passage souvent traversé, s’envelopper de ce tunnel creusé au cœur de la ville où les bruits étouffés reviennent en écho bourdonnant. Un passage comme un but dans l’errance où le regard peut se poser et le corps se mettre à rêver de tout ce dont il pourrait se parer pour sa traversée – et si je choisissais une chose dans chaque vitrine ou une chose seulement… qu’est-ce que ça serait? –

A propos de Marie Tutello

Présente aux ateliers du Tiers Livre depuis le cycle progression de l'été 2021, une soif d'écrire étanchée et entretenue depuis, parfois par intermittence.