Le carnet d’adresse lui est remis par … Le carnet moleskine noir, la couverture est souple, le papier ivoire. Au milieu des documents numériques, qu’il laisse, je retrouve le seul document papier. Les mots sont à peine écrits, au crayon de papier, ils s’effaceront, le carnet ne possède pas de double numérique, il exprime déjà sa propre disparition, chaque ligne est comme une question, comme si la ligne sur le carnet possédait déjà ce tremblement du temps, sur la surface lisse d’un carnet de moleskine… l’éternel du carnet, sa fabrication à la chaine, dans l’usine, sa robustesse, concourant au passage du temps : mais même le carnet s’écorne, et comme le vin, il commence à virer à un ivoire plus soutenu : ivoire des cornes des éléphants, le carnet, c’est une jungle à travers de laquelle je suis le seul à pouvoir m’aventurer. Une adresse en Amérique, Greenwhich Village, une adresse en Australie, une adresse au Brésil, pas mal d’adresse à Paris, le Marais, le 20ème arrondissement. Il se laisse déposer devant le 109 lockart road ; il lève les yeux au ciel. 15 Luart road Il lève les yeux, avant de rentrer . Que va-t-il trouver à cette adresse : le bureau de cette trading compagny, avec laquelle il a pris contact, qui lui indiquera une autre adresse dans Wanchai, ou sur Kowloon ? Shek O Le nom d’un d’un domaine, un lieu sur la corniche, une maison sur la mer de Chine Marais 96 rue des archives Après maintes déambulations, sa marche le mène là, Arrêt Hôtel de Ville – Rambuteau – Porte-Poterne du Chaume – Rue-des-deux portes-Saint-Jean – rue des Billettes – Rue de l’Homme armé – rue Rambuteau – rue de la Verrerie – rue des Enfants-rouges .. aucun nom – qui y habitait, le nom est gommé volontairment, voire barré. Rue beaubourg 15 – 34, je cherche le centre du carnet, son point de focalisation, mieux, son centre de gravité, lieu sur lequel repose l’édifice, l’élaboration et ensuite sa disparition, je parie que ce carnet sera, une fois déchiffré, le plan de sa folle équipée, exprimera si ce n’est le lieu de sa retraite du moins les raisons de son invisibilité. J’ai envie de plier et déplier le carnet autrement d’en ouvrir les cartes, d’ y laisser planer les questions, l’invisible. Je vais jusqu’à relever une par une les coordonnées latitudes et longitudes, d’abord pour me donner une contenance face au mystère, pour essayer de justifier ma vaine présence au milieu de ces notes, ordinateurs, valises, dans cette chambre d’hôtel dérisoire, je reviens à cette idée de centre…que ce carnet aurait un centre, sorte de d’univers, avec ses satellites organisant un monde régie par des lois : pesanteur, rotation, masse, vitesse des corps, des relais, ou bien au contraire qu’il aurait laissé en creux un message, qui menerai à l’adresse inconnue. Une adresse à Papeete, 17°53S , 149 57…(gommé)… fausse piste, une adresse à Angers, une à Casablanca et une autre à Rome ; des numéros de téléphone, un prénom associé à 8 chiffres, pas d’indication de lieu, je cherche au travers de la géographie, une indication de chronologie : les personnes rencontrées à Hong Kong, Tahiti, Phnom Phen, je pense que les personnes habitant en France, font parti de son passé plus lointain, il n’y a a aucune adresse mail, je ne peux pas orienter mes recherches dans ce sens, à partir de l’apparition des boites mails. Ce carnet est totalement dénué de références au numérique, comme si l’ordinateur n’avait jamais existé. A rebours du temps. Je ne peux mettre qu’un seul visage sur l’adresse : celui de la femme qui m’a donné les clefs de la chambre d’hôtel, m’autorisant les recherches. Aucune adresse du lieu de travail, l’usine, rien sur la chanteuse rock qui a partagé le même hôtel que lui pendant des mois.