Essence de lumière, un pin sur une île grecque. Jamais le même – jamais la même. Une légère vibration rayonne à travers le corps calé à la jointure du tronc écailleux et des racines découvertes, avant leur plongée dans le sable. Les branches oscillent sous le souffle du Meltemi et diffractent les rayons du soleil. Quelques épines se décrochent, hésitent, puis s’abandonnent au vent. Des milliers de paillettes sous les paupières fermées. Éblouissement stroboscopique d’images ramenées à la mémoire et défilant sans lien avec le temps et l’espace présents. Ce pin est le dernier d’un alignement clairsemé de quelques congénères dans la crique sableuse aperçu du haut de la falaise. La rareté oblige à définir une stratégie. Arriver le matin ni trop tôt ni trop tard pour jouir de sa bienfaisante protection. Parfois, tu es tenté de l’enlacer et de prêter une attention à son léger murmure, guettant le moindre indice du dialogue souterrain que déploient les arbres entre eux. Mais comment entendre ? Pour le moment – un appui. Le miroitement éblouissant du soleil sur l’eau baigne un îlot avec sa petite chapelle blanche à porte bleue que tu aimerais rejoindre à la nage. Des sourdes palpitations de l’arbre, remonte le récit de ce soleil qui vira au noir alors que tonnaient les trompettes apocalyptiques. Tu rouvres les yeux sur un voilier blanc qui bouchonne dans la crique. Carte postale. Mais les bateaux mouillent ici depuis des siècles. Bien avant les congés payés. L’homme du voilier se posera plus tard près de toi et, à l’ombre du pin et du discret clapotis des vagues, te racontera d’une voix juvénile son apprentissage de la navigation à voile aux îles Porquerolles. Et comme tu l’écoutes, il énumérera ses nombreux cabotages dans les îles grecques qui suivirent ce geste inaugural. Nouveau battement. Tu tournes sur toi-même, flottant dans ce bleu sans fond, et tu accroches du regard le pin, salutaire amer, dont les coups de palmes t’ont si fortement éloigné. A nouveau ce soleil qui cligne à travers les branches. Les longues aiguilles brun-vert tapissent le sable d’une douce odeur d’oisiveté. A l’ombre, le temps s’égrène, une page après l’autre, comme les perles en bois du komboloï que le tavernier, assis à l’ombre de la vigne vierge, ramène une à une avec le bout du pouce.
Comme un rêve entre deux battements de cils. Un texte qui berce. Merci
Absent ces derniers temps, un grand merci pour ce commentaire.