Il passe, tire sa petite valise à roulettes sur le trottoir d’en face, marche lentement, courbé, c’est un homme âgé désormais, un vieux garçon qui passe, tirant sa petite valise à roulettes, marchant lentement, courbé, chaque jour un peu plus courbé, le vieux garçon qui passe, allant prendre le thé chez son frère, il passe, le vieux, il tire sa petite valise à roulettes sur le trottoir d’en face, dans un sens, dans le sens inverse, revenant de boire le thé chez son frère, c’est un vieux garçon, l’homme qui passe sur le trottoir d’en face, et il passe, c’est ça, sa vie, passer, prendre le train, avoir un frère en ville à qui on rend visite tous les jours, tirer sa petite valise à roulettes sur le trottoir d’en face, passer, rentrer chez lui, passer à nouveau le lendemain, pendant qu’on peut encore.
C’est une tête cachée derrière un rideau, une tête discrète, le rideau bouge un peu, la tête apparaît, disparaît aussitôt, elle a noté ce qu’elle voulait noter, un numéro de plaque, elle cherche le nom, le note à côté du numéro de plaque, elle sait qui est là, c’est de la visite chez son fils en-dessous. Pas un mot depuis combien d’années ? Elle ne compte plus. Elle est chez elle, elle ne partira pas, ils ont beau dire, elle ne partira pas, non pas que ce soit un lieu pour elle, ici, mais elle est chez elle, elle a son tenir et elle ne partira pas, elle n’a rien à lui dire, à son fils, et son fils non plus il ne lui dira rien, c’est de famille.
Le samedi matin, il balaie. Il a reçu des ordres, alors il balaie. La semaine, c’est lui qui les donne, les ordres, mais le samedi matin, c’est elle, et elle a dit de balayer, alors il balaie et l’été c’est torse nu qu’il balaie, torse bronzé, torse velu, torse fier, il balaie et en balayant il le bombe, le torse, balayer, c’est l’heure de la parade, l’heure du balai, le jour de gloire, et en balayant il siffle et en balayant il zyeute les fenêtres d’en face et il attend qu’elles mettent le nez à la fenêtre, car fatalement elles mettent le nez à la fenêtre et il les salue et il cligne de l’œil. Elles referment les volets. Il a fini de balayer.
Jolis portraits tout en résonance, en répétitions. Belles découvertes en balade sur le blog. Merci.
Merci, oui, j’aime les répétitions (et ai souvent peur d’en abuser).