A propos de Stéphanie Rieu

J'ai 44 ans et à ma grande stupéfaction, je vis en Lozère depuis maintenant quinze ans. J'ai souvent pris des trains en marche pour le plaisir de l'aventure ce qui m'a permis de pratiquer différents métiers tout aussi passionnants les uns que les autres et toujours en lien avec l'humain. Il y a quelques années, je me suis formée à la biographie familiale avant de réaliser que c'était sur ma propre matière que j'avais envie de travailler. J'ai donc intégré "Les Ateliers du Déluge", où, avec d'autres compagnes d'écriture, nous formons un ensemble insolite, disparate, joyeux et déluré, ne reculant devant aucun défi, ni prise de risque (y compris celui de s'inscrire sur les ateliers en ligne du Tiers-Livre !). Aujourd'hui, j'essaie de prêter une oreille attentive à ce qui m'anime : écrire, cuisiner, lire, accueillir, jardiner afin d'oser aller à ma rencontre. Malgré les efforts incessants que je déploie pour essayer de réfléchir sérieusement à mon avenir, je ne sais toujours pas ce que je voudrais faire quand je serai grande.

Familles nombreuses

J’étais venue il y a longtemps au bord de cette rivière. Il y avait le même soleil harassant, la même chaleur sur le sable et cette sensation pleine d’un temps qui coule si lentement qu’on se dirait retournée en enfance. Je suis là, allongée sur ma serviette et cachée derrière mon livre, sous l’ombre rachitique d’un chêne vert qui se Continuer la lectureFamilles nombreuses

Carnaval

Nous sommes tout un groupe, trente-neuf exactement. Trente-neuf à respirer ensemble dans la pièce sous les toits qui sert d’atelier à F. Une fois par semaine, le vendredi, nous nous retrouvons sur des moquettes rases qu’on arpente pieds nus, sous la charpente en forme de cocon. On n’entend plus le bruit du monde quand on est perché tout là-haut. F. Continuer la lectureCarnaval

Toutes celles qui dansent le brouillard.

Celle qui jetait des nasses dans les rivières en crue, celle qui préférait contempler la fuite du ruisseau le nez au ras de l’herbe, celle qui prit le voile par peur de ses pulsions, celle qui resta droite, digne et muette dans le vent des tempêtes, celle qui pour donner la parole aux hommes voulut bien sacrifier la sienne, celle Continuer la lectureToutes celles qui dansent le brouillard.

La non-visible

Si on n’y prenait pas garde, si on cessait d’être vigie, si on perdait le contrôle des muscles, les faciaux et les profonds qui les maintenaient bien tendus alors c’était une évidence, la peau se déchirerait, se distordrait dans une grimace gémissante, dans la laideur atroce d’un effondrement soudain, libérant, béance flasque, la couche pachyderme. Un visage de gélatine, une Continuer la lectureLa non-visible

Nature morte

Elle est assise en bout de table, la table en formica bleu marine, avec ses rallonges dont les rainures se remplissent régulièrement de miettes de pain minuscules qu’on peut gratter avec les doigts, en passant l’ongle de long en large, d’un bout à l’autre, lentement, presque nonchalamment, avec l’air de pas y toucher, avec les yeux perdus dans le vague Continuer la lectureNature morte

Une trace parmi les autres

Un seul texte en plusieurs qu’on lirait sans reprendre son souffle et à toute vitesse. Il s’agirait ici de balayer l’enfance de toutes ses poussières, lever le moindre doute, le regarder voleter et s’enfuir à travers les fenêtres grandes ouvertes. Ce serait comme sauter d’une image à une autre. Ce serait attendre la fin du livre pour avoir un tableau. Continuer la lectureUne trace parmi les autres

De la nuit, à tâtons

Je me laisse surprendre par la chair qui s’invite. La réalité crue ne se laisse pas voir, seulement des fragments aux bords effilochés. Au loin, une montagne évidente posée là dans une brume légère. Un sommet que les yeux embrasent de loin, une image, un paysage. Les jambes se résignent et arpentent jusqu’à s’approcher, grimpent jusqu’à la cime dans l’illusion Continuer la lectureDe la nuit, à tâtons

27 Septembre

27 septembre 1992 TOULOUSE Elle se réveille dans une flaque de soleil, la bouche pâteuse et les yeux collés. Lui dort encore sous cette couette dont la blancheur n’est plus qu’un souvenir lointain. La tapisserie rococo est déchirée par endroits. Elle passe en revue les croquis griffonnés accrochés à la hâte au-dessus du matelas, les essais de BD colorées, les Continuer la lecture27 Septembre