- La nuit de samedi à dimanche se résigne à voir arriver l’impatience. Cette dernière veut être la première, s’installer dès que les yeux commencent à se fermer et empêcher ainsi le sommeil d’arriver. Elle aime lui faire barrage, elle aime la lutte car aujourd’hui est sa nuit, la seule de l’année. Alors elle veut en profiter.
Avec le temps, l’impatience sait se montrer patiente. Elle attend qu’ils soient couchés, qu’ils se soient lavé les dents, qu’ils se soient mis en pyjama. L’excitation est déjà bien présente, mais comme à chaque fois, elle se fatigue et c’est ce moment que choisit l’impatience pour entrer en scène. Elle se faufile en eux en leur donnant des flots d’images : la mer, le soleil, les baignades avec Anaïs et Vincent, ces envies de barbapapa et de sucettes collantes. Elle leur fait respirer le sable et la crème solaire, la noix de coco, papa montre comment fonctionne le cerf-volant même s’ils savent très bien le faire marcher. Alors ils serrent les points en voulant être demain, ils sentent cette petite brûlure dans leurs poumons – plus que quelques heures à dormir, dit maman. Encore quelques heures à traîner, se disent-ils. Ils veulent aller vite, vite, vite !
Ce qui se passera le lendemain est prévisible depuis toutes ces années : ils se lèveront, se précipiteront hors de la chambre et iront regarder si maman est réveillée, si papa est encore là, si tout est chargé, puis ils attendront dans la voiture. L’impatience restera encore un peu jusqu’à ce qu’ils s’en aillent, se retrouvant seule comme chaque année. Elle sait que la frustration du retour prendra sa place quand ils seront là-bas, mais ça ne la console pas. Elle aimerait ne jamais les quitter, ne jamais se contenter d’une nuit et toujours les accompagner. Mais il n’y a et il n’y aura qu’une seule nuit pour elle, celle de samedi à dimanche, comme chaque année. - Alors que ch’t’explique : ouais demain c’est dimanche, on est la nuit là…ouais, la nuit de samedi à dimanche, ils ont éteint la lumière à genre 1h. La fête est finie qu’izon dit, tout l’monde s’est barré puis ils nous ont dit : on sait que vous êtes impatients toussa toussa….Tu parles… Puis après, ils ont tout rangé, y’avait plus de bruit, juste une sale odeur de tabac froid, c’est shlag putain…j’arrive pas à dormir. Mec, demain on part en vacances. Ouais…. C’est vrai, mais j’m’en balec de ces vacances, oh, bro ! C’est vraiment chelou ce truc de merde….
Ben.. wesh mec, j’ai le seum et sérieux j’aurais préféré partir avec ma meuf, t’sais la Léa, mais là je vais devoir me taper ma soeur, mes darons et le cerf-volant. J’ai plus l’âge, bordel ! Désolé mais c’est vrai ce que j’dis.
J’tais hyper chaud pour partir avec Ingo à Maas’, là, tu vois, histoire de faire le plein et de pouvoir dealer DD après, se faire de la thune et se tirer vite fait. Mais putain, il est parti genre super tôt le con. Du coup, me v’là à me faire chier à attendre que tout le monde se réveille, à faire genre « je suis heureux avec vous, gna gna gnaaaa » et supporter mes darons du matin au soir. Purain, mais l’horreur, ch’te dis pas, j’suis deg…
Ouais… ça fait genre 10 ans qu’on fait le même voyage, le même chemin alors que je pourrais chiller cool avec toi, gros… Ouais, ben viens, tu fais quoi là ? Il est 4h putain, tu peux passer, d’main c’est dimanche, yolo quoi…. !
Non ? Bon…. ok gros, ouais… bonne soirée… oui bonne nuit quoi… on s’tient au jus, ok ; Ciao bonsoir. - Vendredi, c’était l’étude d’analyse et trigonométrie, samedi géométrie, donc dans la nuit de samedi à dimanche, c’est algèbre, ben oui, logique…. j’ai examen lundi, ‘faut pas que j’oublie de demander à maman de me déposer du linge et de quoi manger…Ah mais merde, les parents partent à la mer ! Meeerde, mais c’est juste, on est au début des vacances… Ils partent. Bon, bref, l’algèbre, l’algèbre, l’algèbre…
je pense que ça le fera, l’examen est lundi donc normalement je devrais y arriver.
(2+2iV3)²x 2-2i
Pour additionner une somme, on supprime les parenthèses.
ab + ac – ad = a (b + c – d) donc, ça, c’est une expression algébrique contenant des produits ayant un facteur commun peut se mettre sous la forme d’un produit de deux facteurs dont le premier est le facteur commun et l’autre l’expression algébrique des facteurs qui l’accompagnent. Ok, je maîtrise. - Il faisait chaud ce samedi-là, lourd comme à chaque début de vacances. Elle venait de terminer ses examens et avait envie de fêter ça. Justement, il y avait le traditionnel « bal des busés », bal organisé sur le campus qui clôturait l’année académique des étudiants. Elle connaissait bien cet événement pour y avoir participé de nombreuses fois, entre la fin et le début. Elle adore cette musique qui donne envie de danser, elle peut reconnaître chaque rire qui s’engraisse au fur et à mesure qu’avancent les heures, elle rit de toutes ces théories servies dans des verres en plastiques. Elle a toujours aimé cette atmosphère hors du monde qu’apportent l’alcool, les joints et la légèreté d’un avenir à construire. Mais cette année, c’est différent. Cette année, il y a Eric.
Eric a 22 ans, les yeux clairs et le rire facile. Il n’aime pas étudier, il aime sortir, il n’aime pas le sérieux, il est sensible, il a perdu son père, il a grandit près d’un lac, il vient du sud.
Il habite rue de Laneuville, dans une colocation improbable où circulent majoritairement les bières et les pétards. Et il l’aimante. Elle n’a donc d’autres choix que de l’aimer.
Et Eric est là, avec Gil, Edgar et Samuel. Ils se retrouvent ensemble, une fois de plus. Ils boivent un verre, un de plus. Ils rient de tout et surtout de rien. Et Eric la regarde. Elle tourne la tête ou la tête lui tourne, elle ne sait plus et peu importe. Il lui propose de rejoindre une fête dans le Bois des Rêves où un DJ branché sur générateur peut les faire danser. Elle dit oui. Elle dit oui à ça et dit oui au reste. Elle vit dans ce flou qui danse et se dit joy’reuse de vivre. Elle se remplit de bières et de cigarettes. Elle se vide de raisons et de réflexions.
Elle ne sait plus où ils sont, si elle est dans ses bras ou dans ses draps, elle s’embrase sans l’embrasser. La nuit continue, le noir s’installe et elle sombre dans l’oubli, celui des secondes, des minutes, des respirations, des caresses, d’un lit, d’un regard. L’oubli d’un moment, d’une envie, d’une sensation et d’un sexe pénétrant. - l’« ex-fan des sixties, petite babydoll » a été retrouvée sans vie à son domicile parisien, à 76 ans. Après un week-end agité et des discussions entre l’inter de Milan et la Juventus dans la nuit de samedi à dimanche, l’avenir du Diable est toujours plus incertain. La Réforme fiscale : les discussions restent difficiles…. comme on pouvait s’y attendre, le comité ministériel restreint du gouvernement fédéral n’a pas réussi à s’accorder sur une réforme fiscale lors d’une réunion dans la nuit de samedi à dimanche. Une opération de police a été mise en place dans la nuit de samedi à dimanche pour renforcer la lutte contre les stupéfiants. Celle-ci a permis de dresser 69 procès-verbaux et récupérer environ 200 grammes de cannabis, 40 grammes de cocaïne et plus de 400 pilules d’ecstasy. Environ 1800 personnes ont eu recours au poste médical présent sur le site. Deux agents de contrôle de titres de transports en commun ont été agressés samedi soir entre 21h et 22h à la station molenbeekoise de Ribaucourt. La police a pris en charge les deux agresseurs. Plusieurs explosions ont eu lieu à Anvers dans la rue Biekorf dans la nuit de samedi à dimanche. Des explosions sont survenues vers 3h30 devant une habitation. Les dégâts sont limités, selon le porte-parole de la police locale.
Un jeune homme âgé de 20 ans est décédé dans la nuit de samedi à dimanche, après s’être retrouvé en difficulté dans la mer à Ostende. Tout porte à croire qu’il s’agit d’un accident tragique. Il est en tout cas certain que la baignade n’était pas autorisée, car le poste de sauvetage n’était occupé que jusqu’à 18h30. - L’horloge sonne : ding-ding-ding-ding-ding-ding-ding-ding-ding-ding. J’ai compté, il y en a dix. Je regarde Eric, il lit et ne lève pas les yeux. Ses lunettes posées sur son nez, le regard concentré comme s’il n’y avait rien d’autre au monde que sa réflexion, sa compagne, ma rivale. Il prend également des notes. Du moins, je suppose qu’il prend des notes. Il prend surtout les mots qui lui viennent à l’esprit et les pose dans son carnet. Je regarde la petite théière sur le rebord de la fenêtre, le soleil couchant passe juste derrière elle. La lumière et les couleurs qui en résultent sont magnifiques. Le temps se suspend. Nous aussi. Cette année, la date tombe et se raccroche dans la nuit de samedi à dimanche. Il y a 47 ans que nous partageons ce jour. 47 nuits spécifiques. 47 soirs où sonnent vingt-deux heures et où je tourne la tête vers Eric. Un petit rituel entre nous. Dans quelques minutes, il se lèvera, me sourira et viendra poser un baiser sur mes lèvres en me prenant les mains. Dans quelques instants, il me redira qu’il m’aime et je rougirai. Je me reverrai lui dire oui pour la première fois, je me reverrai lui ouvrir ma blouse pour qu’il puisse m’admirer. Je ressentirai ses baisers et la douceur de nos carresses. Je me sentirai futur, je me sentirai demain, je me sentirai là et maintenant.
- C’est arrivé. Ou elle est arrivée plutôt. Plus tard aurait été mieux, il aurait dit. Mais on ne peut rien contre la mort. On doit faire avec. Elle se met tout contre nous, elle nous effleure en silence et en grâce et emporte en elle tout ceux que nous vivons, tout ceux que nous respirons, tout ceux qui nous sont chair.
La mort se fout du genre comme elle se fout de l’âge. Et tant qu’il y en aura pour l’accompagner, tant qu’il y en aura qui ne lui résisteront pas, la mort vivra.
Ce jour-là, nous étions un soir de début de vacances, la veille d’un jour de messe, le lendemain d’un jour de jeûne, on était dans un soir et le soir m’aime disait-il. Nous étions ensemble, éperdus dans nos regards, depuis 18 648 soirs. Celui-là fut le dernier. On ne survit pas à ça. On ne survit pas à la solitude forcée. On ne survit qu’à soi-même.
#été2023 #07bis | Une odeur
Je n’ai pas assez parlé de cette odeur qui m’est un jour venue et qui ne m’a plus jamais quitté. Une odeur évanescente, pure, insaisissable, immobile que je retrouve aujourd’hui sur le rebord de la fenêtre exactement comme s’il s’agissait d’un rendez-vous manqué. Une odeur sans nulle autre pareille qui, telle une fidèle amie, vient prendre de mes nouvelles et Continuer la lecture#été2023 #07bis | Une odeur