A propos de Sophie Jaussi

Oscillation perpétuelle avec l'écriture en aménagement (à défaut de point fixe). Fil funambule entre la recherche et la création, l'université et son dehors (ses marges, ses contrepoints), l'interne et ce qui peut en être transmis. J'habite beaucoup les trains entre la Suisse et la France. Depuis 2021, j'anime un atelier de création littéraire au sein du Master de Français de l'Université de Fribourg.

#anthologie #11 | Retour en abyme

À l’interne, c’est quoi retourner, c’est comment, il faut emprunter quelles traverses Dans la forêt obscure,arrivée au milieu du chemin de ma vie si je plonge en arrière et pourquoi la mémoire ne serait pas une nuit, un crépuscule du vivant toujours à l’orée du disparaître Mais là c’est plus délicat, le projecteur est en oblique, il triche, c’est de Continuer la lecture#anthologie #11 | Retour en abyme

#anthologie #10 | Grisélidis, le réel

Devant la Chapelle Saint-Bernard en juin mille neuf cent septante-cinq toutes elles sont sœurs, elles brûlent, elles crient, elle a quarante-six ans et elle sait qu’elle est au cœur de sa lutte, celle qu’elle gueulera une vie entière en grands mots bariolés. Elle a six ans, son père dirige l’école suisse d’Alexandrie, elle l’adore plus que tout, il lui parle Continuer la lecture#anthologie #10 | Grisélidis, le réel

#anthologie #09 | Non.

sa voix ne modulait rien, elle configurait de l’assertion jusqu’au noyau de métal qui formait la demande, d’ailleurs, ce n’était pas une demande, c’était une évidence, à peine une adresse : un constat, tu rangeras la salle de réunion avant de partir dit-elle, et ses mots sont venus s’agglutiner comme grouillent des insectes dans cette partie de ma gorge qui ne Continuer la lecture#anthologie #09 | Non.

#anthologie #08 | Stairs.

Ça ne se passait pas comme d’habitude. Depuis hier je cherchais mes marques, j’entendais toujours le dehors, bien sûr ça ligotait l’attention portée au-dedans. Le rez-de-chaussée m’était hostile, surtout la cuisine d’où s’échappait une odeur de bruine, de saison caillée. Je m’étais retirée dans la pièce-bureau à l’étage, il avait fallu pousser le pêle-mêle de feuilles et documents, l’écriture de Continuer la lecture#anthologie #08 | Stairs.

#Anthologie #07 | Avant le tapage.

28 juin. Cette nécessité à retrouver les mots qui viennent avec le jour. C’est en vérité un moment qui ne m’appartient plus, je le vois passer comme un moineau s’envole faute de miettes. Aujourd’hui pourtant, l’heure juste pour m’asseoir à la table de travail, c’est-à-dire à la bascule de la nuit, les grandes fenêtres face à ce morceau de parc Continuer la lecture#Anthologie #07 | Avant le tapage.

#Anthologie #06 | « Ensemble séparés ».

L’air s’est figé entièrement, pris d’un coup de pompe soudain dans les voiles du rideau. Il a fallu qu’il se retire, reflue dans les roches, pour qu’enfle le strident des cigales. Linge blanc, mémoire des images pour projection très privée. Devant le regard désencombré de toute présence sont passées des silhouettes d’Antonioni, des chaleurs de Pagnol, au loin le viaduc Continuer la lecture#Anthologie #06 | « Ensemble séparés ».

#anthologie #05 | Le mangeur d’oubli.

Le mangeur d’oubli (léchant le miroir). – Les mots n’ont plus aucune enveloppe. Je les timbre, là, je les adresse, je voudrais qu’on me rende l’alphabet. J’y ai droit tout de même ! Et eux ils ne savent me servir que des patates chaudes, des bouillons à onze heures trente, des salades emmêlées, des vengeances à manger froides. Quand je tends Continuer la lecture#anthologie #05 | Le mangeur d’oubli.

#Anthologie #04 | Pro domo

1. C’est la radio qui réveille l’enfant, ou peut-être l’odeur brusque de l’essence. La veille au soir le père l’a couchée dans le lit déplié derrière le siège conducteur, le matelas remplit tout l’habitacle. Le camping-car a démarré dans la nuit, elle n’a rien vu elle vivait dans ses rêves, dans les plis de la liberté promise. Voilà on y Continuer la lecture#Anthologie #04 | Pro domo

#anthologie #03 | Fuchs.

C’est arrivé par la poste comme une facture ou un courrier genre administratif, mais matelassé; et il n’y a jamais de bulles qui amortissent la bureaucratie. Par la poste c’est arrivé, tu t’es méfiée, ce n’est pas arrivé tout à fait, on l’a apporté, ça a sonné, tu as ouvert, tu as signé puisqu’il fallait signer, tu t’es dit : je Continuer la lecture#anthologie #03 | Fuchs.

#anthologie #02 | Caméra interne

La pièce à l’étage aurait encore sa fonction. Il n’y aurait pas eu le panneau À vendre sur la façade où frappe le soleil, pas eu l’abrutissement du vide. La parole tournoierait encore dans la pénombre, dans le feutré, plutôt que cette rumination boucle et reboucle dans la gélatine de la boîte crânienne. Il y aurait une pensée caméra portée, Continuer la lecture#anthologie #02 | Caméra interne