A propos de Sophie Jaussi

Oscillation perpétuelle avec l'écriture en aménagement (à défaut de point fixe). Fil funambule entre la recherche et la création, l'université et son dehors (ses marges, ses contrepoints), l'interne et ce qui peut en être transmis. J'habite beaucoup les trains entre la Suisse et la France. Depuis 2021, j'anime un atelier de création littéraire au sein du Master de Français de l'Université de Fribourg.

#anthologie #36 | Ralentir ta peau

C’est la chaleur qui étire la scène, l’allonge comme on étend un corps dans l’ombre. Sa mémoire déplie un à un les éléments de sa silhouette : le pied en arc, legs des heures de danse, les cuisses enflées qu’elle bat rageusement chaque fois qu’elle les fixe, le bronze de son ventre, les poignets affolés, la maladresse écarlate des ongles à Continuer la lecture#anthologie #36 | Ralentir ta peau

#anthologie #35 | L’oubli en voix off

La cité horlogère quadrillée par les rues en angles droits. En prenant de la hauteur, le profil amputé des forêts, vestige de la tempête. Tout autour la vallée du Jura. Le vert, le brun, les manufactures Cartier, Breitling, La Joux-Perret, Jacquet Droz. Hard Cut. Plusieurs taupinières, puis une seule, cadrée, zoom, terre à portée. Le mangeur d’oubli, en voix off.Les Continuer la lecture#anthologie #35 | L’oubli en voix off

#Anthologie #34 | Parole sans paroles

Il faut parler simplement de l’indicible, dit-elle. Quelque chose comme ça, ou autre chose. D’autres voix en même temps, elle s’est habituée, beaucoup de bruit dans les mots, friture sur la ligne, erreur joueuse sur le destinataire. Il ne dit rien, c’est tout aussi prolixe. Elle pourrait demander : vous m’entendez ? Il dirait oui, ou il rirait, froisserait quelque chose avec Continuer la lecture#Anthologie #34 | Parole sans paroles

#anthologie #33 | Dehors dedans

Gorge en gravats eaux de roches tracés de serpents à la faille de la ville ; outre-sarine comme on dirait d’outre-tombe. Ce refuge un retrait une descente un suspend surtout. Plongée verte pour comprendre le paysage de son oubli. Verticale friable parois de falaises au-dessus les rapaces. Leurs rondes lentes majesté en extension repérage vorace froissé d’indifférence de morgue de beauté Continuer la lecture#anthologie #33 | Dehors dedans

#Anthologie #32 | Grütli, etc.

Ils les ont mis dans un petit bus. Il y avait l’excitation de l’ailleurs, des rires des cris, cette sorte de joie au bord de la panique que les départs en vacances déclenchent chez les enfants. Des chants, comme chez les scouts, même rythme militaire sournois qui mime la camaraderie. Tout le monde a son drapeau ? Frau Künzi ne l’a Continuer la lecture#Anthologie #32 | Grütli, etc.

#anthologie #31 | Sur les bords de l’audible

J’aurais bien envie de me taire. Ce serait bon une chape d’argile, ou de chaux, elle pourrait être une simple sourdine ce serait déjà ça, l’espace d’un papier froissé pour faire virer les mots en murmures. Puisqu’il faut parler, puisque tu écoutes de tout ton chagrin – depuis mon empreinte dis-tu, mais que savent les vivants des traces qu’ils gravent Continuer la lecture#anthologie #31 | Sur les bords de l’audible

#anthologie #27 | Mise en valse des fossiles

Ce livre arrive après beaucoup de pages. Depuis quelques temps, elle les appelle, les suscite, la Suisse et la France se souviennent de son pas funambule d’un côté et de l’autre de la frontière. Il y a des livres qui crient avec les loups, des volumes qui chapardent à son feu, quelques textes qui essayent de percer un mystère. Et Continuer la lecture#anthologie #27 | Mise en valse des fossiles

#anthologie #26 | bruits & voix du mangeur d’oubli

C’est devenu un fracas sans bords. Le jour la nuit, pareil ; l’extérieur l’intérieur, même chose. Parfois je sens que il, ou elle, ou les trois petits veulent que. Veulent moi. Veulent vers moi. Qu’une voix se détache et me cherche, vient flairer autour de mon corps, veut entrer dans mon oreille. Ça pousse fort contre la paroi de ma tête, Continuer la lecture#anthologie #26 | bruits & voix du mangeur d’oubli

#anthologie #25 | du carnet comme d’un flacon

À quoi ressemblerait un carnet un calepin d’odeurs, un fichier pour respirer ce qui flotte du vivant (et du mort d’ailleurs, pourquoi pas) ? Il faudrait des pages bombées comme un flacon ; je le glisse dans ma poche, je le flaire dès que flanche ma silhouette dans le monde. Ça pourrait être un herbier ? Mais sécher une odeur, c’est comme mouiller Continuer la lecture#anthologie #25 | du carnet comme d’un flacon

#anthologie #23 | Plus bas que taire

D’abord il y aurait des phrases aux couleurs pastel de villa, des idées de grande bâtisse cossue, des arguments en pièces d’eau, un ton farci de ces fioritures qu’on discerne dans le fer forgé des balcons. On entrerait grande pompe par la porte forcément cochère, à l’intérieur on a mis les petits discours dans les grands, on a sorti l’argenterie, Continuer la lecture#anthologie #23 | Plus bas que taire