A propos de Betty Gomez

Lire certes, mais écrire...

#anthologie #28 | un peu d’art

#10 | Françoise Elle a trente ans. Dans les toilettes du train, elle libère le bec des oies cachées dans son panier, le temps de les faire boire. Puis elle retourne s’asseoir à sa place en priant pour ne pas croiser un soldat allemand. Elle a dix ans et des gamines de l’école tirent la langue à son passage, l’une Continuer la lecture#anthologie #28 | un peu d’art

#anthologie #27 | Anda Pépé!

Assise devant des piles de carnets, pas même des piles, des tas plutôt, un amoncellement de cassettes audio et un vieux radio-cassette poussiéreux, des chemises vertes, rouges, grises qui contiennent photos, papiers d’identité, livrets de familles, déclarations d’accident, et jusqu’au carnet de condoléances, elle se dit qu’il est temps, temps de les faire parler ces papiers, de les faire entendre ces mots, de les ordonner ces documents épars, les ordonner à la manière de ta vie, d’une vie, qui va on ne sait où quand on la vit, ne pas l’ordonner à la manière de l’historien qui cherche des relations de cause à effet, mais dans le désordre comme que tu l’as vécue, comme on la vit chacun, avançant à l’aveugle, on ne sait où, on ne sait jusqu’à quand. Continuer la lecture#anthologie #27 | Anda Pépé!

#anthologie #26 | bande-son

Seule sur le canapé, vieux casque en mousse sur les oreilles, j’appuie sur le bouton du Dictaphone, en mode écoute. Le bruit du bouton gris qui s’enfonce, de la bande magnétique qui se déroule, son ralenti au départ, la bande  de la cassette s’est détendue avec les années. D’emblée, pas les mots qui m’assaillent, mais les bruits. Comme dans ces photos où l’on remarque les sabots au pied, la coupe de cheveux, le dos nu, et efface le point de vue photographié, le rocher de Biarritz, le portail de Cambridge Continuer la lecture#anthologie #26 | bande-son

#anthologie #25 | l’odeur, marqueur social

L’odeur comme marqueur social.
Les mots pour nommer les odeurs comme marqueurs sociaux.
Le sent-bon (réservé à l’eau de Cologne-terme devenu générique, bon marché), ça cocotte, la mauvaise odeur, ou le parfum très fort étant associés à la cocotte, la gourgandine. 
L’odeur de cuisine comme marqueur social, géographique aussi (aïoli, persillade, sèche à la rouille, flamber l’omelette norvégienne, les volailles, arroser de vin les fraises, verser du porto sur le melon). Continuer la lecture#anthologie #25 | l’odeur, marqueur social

#anthologie #24 | corps sans toi

Dormir à l’hôtel, cela t’arrivait rarement. Partir ensemble, loin, encore plus rarement. On te confiait la gamine. Plus courant ça. Très courant. L’hôtel donc. Une chambre. Tantôt un seul lit, grand, tantôt deux, petits. Selon ce qui reste. Le train, les déambulations, la marche et autre procession, le repas que tu n’as pas à préparer, le repas servi. Repue, tu dors déjà. J’ai vu la combinaison rose, la gaine, les bas tenus par les accroches en fer, le dessous de toi, la chair. Tu dors déjà. Ni livre ni carnet. Fermer les yeux, dormir. Tu t’absentes. Continuer la lecture#anthologie #24 | corps sans toi

#anthologie #23 | rue Saint-Cyr

Elle n’aurait su dire combien l’immeuble avait d’étages, où il commençait, où il s’arrêtait, il faisait corps avec les autres maisons, la ruelle avec les autres ruelles. Au rez-de-chaussée il y avait la boulangerie, pièce éclairée, vitrine éclairée, qui contrastait avec l’escalier sombre, tortueux, une boulangerie où l’on pouvait entrer, acheter, mais derrière, mais dessous, elle imaginait les pièces fermées au public, aux clients, aux enfants, les salles sans fenêtres où l’on entassait sacs de farine, plaques de four usagées, grasses, poisseuses, où les souris couinaient, où les chats chassaient, pissaient, Continuer la lecture#anthologie #23 | rue Saint-Cyr

#anthologie #22 | avenue Albert 1er

Avenue Albert 1er, on la prend en voiture, rue qui n’a de l’avenue que le nom, rue à sens unique, chaussée défoncée, la pharmacie à l’angle, à l’entrée de la rue, il faut que ce soit une pharmacie pour qu’encore ouverte, encore fréquentée, pour combien d temps, sans parking, sans aucune des commodités pour se garer, qui pour la tenir, qui pour la conserver, qui pour y aller sinon les pauvres gens qui se déplacent à pied, habitent le quartier, la plus proche est éloignée, d’où l’intérêt que le nombre soit contingenté, ignorer les règles des officines, mais croire que leur installation relève de certaines règles, il faudrait vérifier, savoir déjà qu’on ne vérifiera pas, pour quoi faire, nul projet d’acheter une officine, nul moyen, nul intérêt, mais apprécier toutefois la permanence de cette pharmacie dans ce quartier populaire, Continuer la lecture#anthologie #22 | avenue Albert 1er

#anthologie #21 | agualica

Je n’ai que cinq photos de toi (1). Cinq photos mais seulement trois jours de ta vie. Cinq photos qui te montrent à l’occasion de trois jours de ta vie, de ta vieillesse, de ta grande vieillesse on dirait aujourd’hui (2).  À soixante-quinze, à quatre-vingts et sur les deux dernières, non datées, les plus récentes, si on peut dire, à quatre-vingt-six ou quatre-vingt-sept ans. Pas davantage. Tu es morte à quatre-vingt-sept ans. Sur toutes tu as les cheveux blancs, peignés avec une raie sur le côté droit de la tête et qui recouvrent tes oreilles (3). Continuer la lecture#anthologie #21 | agualica

#anthologie #20 | l’abuelita

Je n’ai que cinq photos de toi. Cinq photos mais seulement trois jours de ta vie. Cinq photos qui te montrent à l’occasion de trois jours de ta vie, de ta vieillesse, de ta grande vieillesse on dirait aujourd’hui.  À soixante-quinze, à quatre-vingts et sur les deux dernières, non datées, les plus récentes, si on peut dire, à quatre-vingt-six ou quatre-vingt-sept ans. Pas davantage. Tu es morte à quatre-vingt-sept ans. Sur toutes tu as les cheveux blancs, peignés avec une raie sur le côté droit de la tête et qui recouvrent tes oreilles. Prenons-les dans l’ordre chronologique. D’images de toi antérieures, il n’y a pas. Ni matérielles ni immatérielles. Continuer la lecture#anthologie #20 | l’abuelita

#anthologie #19 | album photo

madame Gatounes, la maîtresse de l’école maternelle, classe des écureuils, au haut chignon roux

l’affiche  de Renaud punaisée sur la tapisserie de la chambre et recouvrant tout un pan de mur avec ces mots, la chetron sauvage

la photo d’un enfant, toujours la même, à chaque journal télévisé, cheveux bruns, un peu longs, bouclés, un prénom, un regard et qui réapparait des dizaines d’années plus tard, même photo, mais la coiffure, le vêtement signent une époque révolue. Et jusqu’au prénom. Grégory
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