A propos de Nicolas R.
Je vis au Mozambique. Prof doc de hasard (heureux) depuis quelques années. Facteur longtemps. Écrire. Pétrir. Pécrire ?
Pécrire v. tr. (3e groupe)
Étym. : De pétrir et écrire, formé sur le modèle de termes évoquant l’action de malaxer une matière pour lui donner forme. L’idée sous-jacente est celle d’une écriture travaillée, façonnée comme une pâte, qui fermente et prend du corps avec le temps. Prem. ut. : Attesté au XIIIe s., dans un fragment de poème attribué à Hugon de Belloc (?-1243) où il est écrit :
« Pécrire n’est de valour se ce n’est de labeur,
Bien vaut un mot frainé qu’un livre à l’erreur.
Qui pécrit en silence et en main ferme,
Il s’en suist au texte, que sa main étermine. »
1. Façonner un texte avec un geste physique, presque tactile, comme on pétrit une pâte. Pécrire implique de travailler les mots, de les modeler pour qu’ils prennent forme. – « Comme on retourne la terre, je pécris. Lorsque le sol se réchauffe et que les racines se déploient, les mots fermentent dans le noir et remontent à la surface comme les petites bulles d'air dans un levain » (Giono, Entretiens). 2. Retravailler sans fin un texte, le malaxer et le reformuler jusqu’à ce qu’il prenne une forme définitive, solide et concentrée, comme une pâte qui fermente pour libérer ses arômes et se structurer. – « Il pécrit, malaxant chaque phrase jusqu’à ce qu’elle prenne forme, comme une pâte laissée à fermenter, tissant ses réseaux de sens et de son, se concentrant sous la pression de son propre poids, jusqu’à ce que le texte devienne lui-même un acte complet, prêt à se déployer sous ses propres lois. » (Professeur Augustin Lavergne, Pour Flaubert, Université de Poitiers, 1869). 3.Écrire de manière viscérale, mais aussi contemplative, en laissant les souvenirs et les images du monde se distiller dans le texte, jusqu’à ce qu’ils deviennent presque indiscernables de la matière même de l’écriture. – « Pour pécrire, il faut avoir vécu, respiré le monde avec chaque pore de son corps, avoir laissé chaque souvenir se mêler à la chair du texte, que ce soit la brume d’une mer lointaine ou la chaleur d’un matin d’automne. Les mots naissent, ils s’élèvent, non pas comme des pensées, mais comme des événements vivants, façonnés par tout ce qui a été vécu. » (Rilke, Levain de nuit). 4. Écrire d’une manière viscérale, en modelant les mots comme on pétrit une matière brute. – « Je pécris, je pétris, j’écris, j’écrase, j'éreinte, je l’épaissis, je le mâche, je le crache, je le reprends, je le rend, prêt à trancher la masse » (Christophe Tarkos, Le Pétrin). – « Il pécrit la phrase, la tordille et la râpouille, la triture et l'empatouille, qu'à ses cris il s'exhultaille; il l’enroule et la dépiotte, la secoue comme un vieux linge ; il la grommelle, la martèle, la braille, jusqu’à à la fendure. Puis il la gicle, la glisse, la coupe en morceaux, la mélange et la pétrit encore. Et quand enfin la phrase s'amoncelle et soupire, il la reprend, il la bouboule et la pousse dans la fournaise » (Henri Michaux, Levain fini).
Je dis Les Ménuires, mais on me dit Les Menuires. Je ne voudrais pas me faire reprendre en public. Plutôt passer pour un touriste sérieux qui aurait préparé soigneusement son excursion (ce n’est pas le cas). Prononcer correctement le nom des lieux donne un avantage d’initié et marque son appartenance au territoire. J’aimerais, moi aussi, appartenir. De toute façon, je Continuer la lecture#anthologie #13 | 745 mots pour une vallée→
Il faudra mettre des noms sur les choses Les lumières de la ville je sais plus ou moins Et la nuit je sais aussi Enfin il m’est arrivé oui de rentrer à la maison de nuit L’hiver c’était tout le temps comme ça On rentrait de l’école On traversait le village Je peux dire le nombre des réverbères sur le Continuer la lecture#anthologie #11 | Départ de Caen→
Elle a dix ans. Elle est placée comme fille de ferme. On la fait dormir dans la grange. Elle redoute de traverser le petit bois à la nuit tombée en ramenant les vaches. Elle a vingt-et-un ans. Enceinte de huit mois, un éclat d’obus lui ouvre la cuisse gauche. Elle pousse sa bicyclette sur plusieurs kilomètres pour fuir les bombardements Continuer la lecture#anthologie#10 | Louise→
alors je pose mon stylo, et, pour ne pas être tenté de renoncer, je déchire ma copie, je me lève, le siège se rabat violemment, je ne l’ai pas retenu, l’amphi prend des proportions considérables, tout le monde me regarde, sauf les besogneux dont je fais habituellement partie, eux ils suent sur leurs copies, n’osent pas lever la tête, ils Continuer la lecture#anthologie #09 | Rhône→
M. ne quittait jamais ses gants, il chaussait des patins de velours, à ses genoux il attachait des genouillères en caoutchouc, à ses coudes des coudières faites de la même matière, et sa tête était couverte d’un épais bonnet de laine. Ses portes, insonorisées, en claquant, émettaient un souffle à peine perceptible. Ses meubles n’étaient en rien carrés ni pointus. Continuer la lecture#anthologie #08 | chez soi→
La lumière des phares s’insinue la nuit dans les vides du volet. On décèle un rythme plus qu’on ne distingue les éléments brièvement éclairés de la chambre. Lumière mobile, jaune plus ou moins blanche, qui s’annonce de loin dans l’encadrement de la fenêtre et se précipite presque soudainement sur les étagères de la bibliothèque et le long du mur jusqu’à Continuer la lecture#anthologie #07 | phares et réverbère→
Seul n’est qu’un oh et puis tant pis la nappe de papier imbibée c’était ça ou bien où ? est-ce que la musique du supermarché dans quel sens aller qui ? la fête foraine, l’enfant sérieux sur le manège c’est que le début, d’accord, d’accord la beauté ne répond ah quoi bon parlotte seul n’est pas non qu’on me touche, qu’on me caresse Continuer la lecture#anthologie #06 | tant pis→
Grumeaux, je me disperse, je m’étale, c’est une trainée de moi derrière moi. Je dis, je me livre, délivre-moi. On me lie, je m’encorde, ça se tient. En un sens, ça fait du bien. Tout serré, se rencogner, tête de pioche. Je dis, je me tais, déterre-moi. On me dénude, je prends froid, j’exténue. Je frotte et ça brille pas. Continuer la lecture#anthologie #05 | Grumeaux→
Délimiter, circonscrire, séparer. Sous les draps du lit parental, les enfants. Un dedans. Un dehors. Dedans problématique des grottes. Dehorsforêts profondes,marais sinistres,villes tentaculaires,océans déchaînés,fleuves en crues,plaines à perte de vue,sommets enneigés, Hors de chez soi, l’épreuve. Liseret bleu des collines, ce qu’il y a derrière. Lisières ou frontières. Accueillir ou repousser. Ouvert ou fermé. Et la restanque. Lutte ou accord. Continuer la lecture#anthologie #04 | habiter→
La máquina a été oubliée. Je la vois, toute inutile, dans les débris du chantier. Máquina qui sert à quoi. À rien pour le moment. Des hommes s’en sont servi et cela a un rapport avec la construction de la maison. Puis ils l’ont oubliée. Elle leur manque peut-être. Peut-être se demandent-ils, où ? qui ? pourquoi ? Peut-être vont-ils devoir racheter une Continuer la lecture#anthologie #03 | máquina→