A propos de Muriel Boussarie

Je travaille sur un chantier d’écriture au long cours et j’espère avoir assez de souffle pour le mener à terme. L’intuition de ce projet a surgi ici, dans un atelier du Tiers Livre. Il était question de se perdre dans la ville. Comme je ne voulais pas suivre une piste trop autobiographique, j’ai délocalisé l’errance en la situant dans la ville de K., un avatar de Hong Kong qui m’avait tant fascinée. Alors un personnage, un homme, Tu, toujours interpellé, est immédiatement apparu dans une rue de K. où il s’était égaré. Malgré cette entrée en matière – très forte pour moi – je n’ai pas pensé au départ écrire une histoire, encore moins un livre. Mais je voulais écrire, rêver un univers, celui de K. Quelques textes ont ainsi vu le jour sur mon blog. Puis lors d’un nouvel atelier de François Bon, un fil d’histoire plus précis s’est ébauché : le départ de Tu et L. vers les îles pour fuir la dictature qui sévit à K. À ce moment-là s’est déclenché un grand désir de narration. Beaucoup de choses se sont précisées au fil de l’écriture, bien des personnages sont apparus… Et régulièrement j’utilise des consignes de l’atelier comme pistes pour développer mon récit.

#L4 | Eaux nourricières

De L’idiot (Dostoïevski), les convulsions des questionnements, des sentiments, la langue comme un tumulte brassant toute la complexité humaine, frénésie et apesanteur, passion sublime et dévastatrice : une lecture engloutissante, une déflagration qui se propage longtemps. J’avais déjà lu des livres marquants quand j’ai ouvert L’idiot et pourtant j’ai eu la sensation de lire pour la toute première fois de ma Continuer la lecture#L4 | Eaux nourricières

#P2 | Ode aux eucalyptus

Eucalyptus, branches souples en lianes, buissons d’eucalyptus, eucalyptus à troncs multiples, souffle dans les branches d’eucalyptus, jeunes eucalyptus, eucalyptus à tronc unique, eucalyptus immenses, vent d’été dans les branches souples des eucalyptus, forêt d’eucalyptus, chemin d’eucalyptus, eucalyptus de toutes tailles, Eucalyptus melanophloia, mélancolie du Sud, le vent d’été ploie les longues branches d’eucalyptus, bruissement des eucalyptus, eucalyptus frôlant le balcon Continuer la lecture#P2 | Ode aux eucalyptus

#L1 | Il arrive, c’est le matin

Il arrive, c’est le matin, la brume a recouvert la Baie, les oiseaux marins hurlent autour du ferry depuis qu’il a franchi la digue du port, la fraîcheur le surprend, il enfile sa veste et regarde la Skyline de K., sa géométrie argentée, fabuleuse, il ferme à demi les yeux comme pour imprimer cette vision en lui ou bien parce Continuer la lecture#L1 | Il arrive, c’est le matin

#P1 | Comme dans une grotte

L’alcôve sous les combles ne protège pas des prédateurs, il faut rapatrier une armée de poupées et d’ours et s’enfouir au milieu d’eux, visage rond figé parmi les joues de plastique et les yeux luisants des peluches en respirant sans bruit jusqu’à ce que le sommeil m’emporte. Ouvrir la fenêtre sur le grand fleuve et les verdures d’iles vierges jusqu’à Continuer la lecture#P1 | Comme dans une grotte

Traverser la rivière

Écarter les hautes herbes aux libellules furtives, fouler la vase et s’élancer dans les flots sombres filant au Confluent vers les eaux larges qui charrient les branches de la nuit d’orage dans le courant     sa force     ne pas lutter contre    mais étirer son corps dans l’oblique des flots sombres que la pluie a gonflés jusqu’à la langue de terre entre Continuer la lectureTraverser la rivière