A propos de Juliette Keating

Vit et travaille en région parisienne. Autrice, elle a publié un roman "Awa" (éditions le Ver à soie), un recueil de portraits de jeunes gens illustré par Béa Boubé "Blaise, Léa et les autres…" (éditions Libertalia) et deux romans jeunesse (Magnard). Contributrice à la revue culturelle délibéré.fr.

#Enfances | Dentiste

Elle touche délicatement la partie renflée, la peau chaude, rougie, les battements du pouls sensibles sur sa joue déformée. Touche pas. La mère pose une main sur son front, soupire. Un hamster, dit la mère, ta joue gonflée comme si tu transportais des provisions dedans. Heureusement c’est mercredi, pas d’école, la mère ne travaille pas, elle appelle les dentistes au Continuer la lecture#Enfances | Dentiste

#enfances #05 | Emerveillements

Le lamantin du zoo, son énormité lente, qui flotte, emplissant de sa masse grise l ‘immense vitre d’observation. Le mérou, son air revêche parmi les plus petits poissons agités. L’orvet glissant son fuselage argenté entre les herbes verdies de pluie. Le propriétaire d’un grand perroquet au bec dur, laissant aller et venir l’oiseau dans la maison comme un chat. La danseuse Continuer la lecture#enfances #05 | Emerveillements

#enfances | Eaux

La source suinte de la prairie épaisse tel un gâteau qui s’effondrait au bord. Elle l’écoute couler son pipi sur les petits cailloux brillant au fond de la rigole creusée dans les mousses. Elle s’accroupit. L’écoulement est doux mais froid sur sa main. Elle remarque son genou écorché; de l’eau fraîche sur l’égratignure, ça pique aussi dans les narines, l’air Continuer la lecture#enfances | Eaux

#enfances | Infirmes

Dans la ville, on croise cet homme, un lépreux. Il marche en imperméable sombre d’où dépasse un visage dévoré, des mains sans doigt. Elle rentre du collège dans un bus bondé, débout, serrée contre des camarades chahutant. Le bus freine, les gens basculent, les collégiennes éclatent de rire. Hilare, elle se retourne vers le voyageur dont elle sent la présence Continuer la lecture#enfances | Infirmes

#enfances #01 | Viandes

Elle pousse le battant de verre, lourd. Quand il fait chaud, la porte reste ouverte sur la rue. Mais c’est mars, l’incertain. Derrière la vitrine réfrigérée qui contient les plateaux de viande, le boucher travaille en bavardant. L’homme est maigre dans son tablier taché de sang, pâle, de minuscules veines rosées s’étalent sous l’œil. Le cou est pris dans le Continuer la lecture#enfances #01 | Viandes

#enfances #00 | Nénuphar

Elle demande à tenir la laisse. La tante lui glisse la poignée autour de la main. Le petit chien la tire brusquement. Elle marche derrière lui, le laissant aller ou le retenant, criant Nénuphar. Le chien jappe, s’arrête, repart, renifle, passe et repasse entre ses jambes. Elle tient le petit chien de la tante par la laisse comme si c’était Continuer la lecture#enfances #00 | Nénuphar

carnets individuels | Juliette Keating

#01/40 Vadrouille pour photographier des animaux en ville mais, dans la brume piquante, d’animal aucun. Sinon dans cette rue en pente douce, un gros chien noir. Sa grosse bonne tête, sa truffe humant le bas de mon imper. Pas de photo, on a parlé. 02/40 Pas de souvenir du jour où ma première sœur est arrivée, où mes parents l’ont amenée Continuer la lecturecarnets individuels | Juliette Keating

#photofictions #09 Hors-champs

Hors de l’immensité des champs qui s’étalent de l’autre côté de la route, hirsutes après la moisson. Structure métallique rouillée, remplage de briques, inscriptions affadies. A peine distingue-t-il le mot SILO en lettres majuscules au pochoir. Bâtiment industriel de cubes empilés. Au faîte: un campanile raccourci. Vieux silo à démolir, lieu du fait-divers. Le photographe devine ce qu’on voit de Continuer la lecture#photofictions #09 Hors-champs

#40 jours #37 L’appartement

impossible pèlerinage non seulement par jouissance retirée mais seront démolies ces pièces qui t’ont accueillie autant que tu les as accueillies comme un corps aimé puis moins aimé puis quitté; casse des cloisons avant remembrement effacement des circulations entre les pièces destituées réaffectées pour d’autres vies que les vôtres d’autres usages d’autres voix; opérations programmées sur le corps de l’appartement Continuer la lecture#40 jours #37 L’appartement

#40jours #30 | fragmentaires

Beauté qui habite la ville n’a pas d’adresse pas de lieu où résider elle erre par les rues visible seulement les nuits assez noires pour illuminer les rêves. La nuit sœur de beauté habite la ville chaque trottoir sous chaque lampadaire laisse trace de passage contre une aumône aux vents. Beauté des façades sans charme usées de pluie comme larmes Continuer la lecture#40jours #30 | fragmentaires