A propos de Helena Barroso

Je vis à Lisbonne, mais il est peut-être temps de partir à nouveau et d'aller découvrir d'autres parages. Je suis professeure depuis près de trente ans, si bien que je commence à penser qu'autre chose serait une bonne chose à faire. Je peux dire que déménagement me définirait plutôt bien.

#anthologie #12 | Une mer, trois villes

La première fait éclater sur la méditerranée ses surplombs orientaux, c’est Syracuse la tant aimée, aucune trace dans la mémoire, hormis son nom résonnant tranquille dans l’enclos de ses murailles, Syracuse la fantastique, dressée contre un horizon lointain de batailles et de guerres, un mythe inachevé, Syracuse. La deuxième surprend, on peine à se frayer un chemin parmi les rues Continuer la lecture#anthologie #12 | Une mer, trois villes

#anthologie #10 | un portrait

A vingt-cinq ans le mariage lui est interdit ; elle s’enfuit avec l’homme qu’elle a choisi et le mariage devient imposition ; elle doit s’habituer à une autre vie, une autre maison, un avenir de travail et d’abnégation, je ne sais pas s’ils s’aimaient, l’amour parfois se confond avec le devoir. Quand a-t-elle su qu’elle allait mourir jeune ? Sur les portraits sans Continuer la lecture#anthologie #10 | un portrait

#anthologie #09 | le jour où j’ai pris le chemin opposé

le jour où j’ai pris le chemin opposé n’est pas encore arrivé ; il se peut que le jour où j’ai pris le chemin opposé se présente à moi tous les jours et je ne le remarque plus, comme une habitude, comme regarder dehors sans vraiment regarder ; il se peut aussi que le jour où j’ai pris le chemin opposé Continuer la lecture#anthologie #09 | le jour où j’ai pris le chemin opposé

#anthologie #08 | La visite

je découvre en face de moi, de l’autre côté de la table, Kafka, me regardant fixement. J’avais déjà eu la visite de Pessoa, mais celle-ci m’enchante outre-mesure, car il cligne un peu des yeux et a un léger tic sur le coin supérieur gauche de sa lèvre, alors qu’en Pessoa rien ne bougeait.  Bonjour, je lui dis, et, pour le Continuer la lecture#anthologie #08 | La visite

#anthologie #06 | Multitude

A tous ceux qui ne peuvent pas être seuls car la tache au mur les agace, ceux qui se promènent sur les quais remplis d’autres ceux qui vagabondent ne sachant que faire de leur liberté payée, ah les anniversaires enrubannés qui permettent si bien d’oublier, si bon oublier qu’on existe en existant, les voix rauques de soleil qui sentent la Continuer la lecture#anthologie #06 | Multitude

#anthologie #05 | Celle

Je suis celle qui va de l’avant, née de la peur, figure de proue, je suis celle qui menace et avertit. Du navire, on ne me voit pas, je vois avant, tantôt à flot, tantôt engloutie, je vois le proche et le lointain, on m’a fait orgueilleuse et austère, je n’ai ni père ni mère. Seule contre l’océan, le plus Continuer la lecture#anthologie #05 | Celle

#anthologie #04 | Habiter

  1. Welcome home, de Lucia Berlin, une autobiographie faite à partir de toutes les maisons où elle a vécu. Impossible d’en oublier quelques-unes, celle construite sur une plage, toute en bois, haute comme une cathédrale, sans murs, au sol de sable blanc jonché de scorpions qu’il fallait chasser tous les matins. Terrible l’histoire qu’elle fait s’y dérouler.
  2. C’est kitsch, mais je le dis quand même. La maison où je vis, un sixième étage perché sur une colline, m’a choisie pour y vivre. J’ai tout fait pour l’en dissuader, mais elle a été plus tenace que moi. Aujourd’hui je trouve qu’elle avait raison.
  3. Je n’ai jamais vécu dans une autocaravane, je n’en ai visité aucune, mais j’ai inventé une histoire sur quelqu’un qui abandonne tout pour vivre dans un de ces engins mobiles, comme il les appelle. Je l’ai équipé comme bon me semblait et me suis amusée tout un été à imaginer une vie de nomade. Rencontres, mésaventures, dilemmes moraux. J’ai laissé l’engin et son occupant dans un gîte de montagne en plein hiver.  
  4. Vivre et habiter ? Différence ? Peut-on vivre dans une maison sans jamais y habiter ? On peut en tout cas habiter dans une maison sans y vivre.
  5. Il y a une maison où je reviens souvent.
  6. J’ai vécu dans une maison près de la mer pendant un an et demi. Je n’ai jamais eu autant d’amis qu’en cette période-là.
  7. Etudiante, je vivais dans des chambres louées, comme la plupart des étudiants. J’ai eu droit à un lot de logeurs et de logeuses intéressant. Ceux qui ne pouvaient pas voir un grain de poussière dans les infimes mètres carrés que je louais, ceux qui estimaient que je devais leur faire compagnie, celle qui a balancé mon parapluie dans l’eau sale de la baignoire, ceux qui me volaient de l’argent, ceux qui me faisaient voir très rapidement que j’étais de trop et qu’il valait mieux que j’aille faire un tour pour me distraire les idées, ce que je faisais volontiers.
  8. Je vis parfaitement bien dans le vide. Ce n’est pas vrai.
  9. Je rêve souvent que je pénètre dans un lieu qu’autrefois j’ai habité. Malaise et peur d’être surprise par les nouveaux occupants.
  10. Près de chez moi, plus précisément à l’entrée du supermarché, il y a l’homme qui lit. Il raconte sa vie par bribes, entre deux commentaires sur les lectures qui l’intéressent, l’Histoire et la philosophie. Je lui demande s’il a un endroit pour vivre, il dit que oui, un endroit abrité, avec un toit ? Oui. Il a aussi un réchaud.
  11. Les sans-abri vivent au ras du sol, les retraités sur les bancs publics.

#anthologie #04 | La chose

La chose était par terre, à moitié cachée par une touffe d’herbe. Et dès que je l’ai vue, dès que j’ai vu cette chose, déjà rongée, je me suis tout de suite dit comment m’en débarrasser, la ramasser, impossible ! Alors j’ai pensé, pensé, je vais lui lancer un jet d’eau. Mais le jet d’eau ne l’a fait bouger que de Continuer la lecture#anthologie #04 | La chose

#anthologie #01 | L’infinitif relatif

Ouvrir la porte, dire bonjour à des gens que je ne connais pas, fermer la porte, m’asseoir devant des gens que je ne connais pas, écouter les gens qui ne me connaissent pas parler de moi comme s’ils me connaissaient déjà, répondre aux questions des gens qui ne me connaissent pas, écouter sans pouvoir rien changer à l’opinion que ces Continuer la lecture#anthologie #01 | L’infinitif relatif

#anthologie #prologue | Choses dues

Le devoir de naître garçon, le devoir de ne pas tomber malade, le devoir d’obéir, de boire du lait, le devoir d’embrasser, sourire, dire bonjour, de ne pas pleurer, écouter, attendre que les heures passent au tic-tac de la pendule, attendre que quelqu’un se réveille, que la porte s’ouvre, le devoir d’accepter ce que l’on donne, le devoir de dire Continuer la lecture#anthologie #prologue | Choses dues