A propos de Helena Barroso

Je vis à Lisbonne, mais il est peut-être temps de partir à nouveau et d'aller découvrir d'autres parages. Je suis professeure depuis près de trente ans, si bien que je commence à penser qu'autre chose serait une bonne chose à faire. Je peux dire que déménagement me définirait plutôt bien.

#anthologie #04 | Habiter

  1. Welcome home, de Lucia Berlin, une autobiographie faite à partir de toutes les maisons où elle a vécu. Impossible d’en oublier quelques-unes, celle construite sur une plage, toute en bois, haute comme une cathédrale, sans murs, au sol de sable blanc jonché de scorpions qu’il fallait chasser tous les matins. Terrible l’histoire qu’elle fait s’y dérouler.
  2. C’est kitsch, mais je le dis quand même. La maison où je vis, un sixième étage perché sur une colline, m’a choisie pour y vivre. J’ai tout fait pour l’en dissuader, mais elle a été plus tenace que moi. Aujourd’hui je trouve qu’elle avait raison.
  3. Je n’ai jamais vécu dans une autocaravane, je n’en ai visité aucune, mais j’ai inventé une histoire sur quelqu’un qui abandonne tout pour vivre dans un de ces engins mobiles, comme il les appelle. Je l’ai équipé comme bon me semblait et me suis amusée tout un été à imaginer une vie de nomade. Rencontres, mésaventures, dilemmes moraux. J’ai laissé l’engin et son occupant dans un gîte de montagne en plein hiver.  
  4. Vivre et habiter ? Différence ? Peut-on vivre dans une maison sans jamais y habiter ? On peut en tout cas habiter dans une maison sans y vivre.
  5. Il y a une maison où je reviens souvent.
  6. J’ai vécu dans une maison près de la mer pendant un an et demi. Je n’ai jamais eu autant d’amis qu’en cette période-là.
  7. Etudiante, je vivais dans des chambres louées, comme la plupart des étudiants. J’ai eu droit à un lot de logeurs et de logeuses intéressant. Ceux qui ne pouvaient pas voir un grain de poussière dans les infimes mètres carrés que je louais, ceux qui estimaient que je devais leur faire compagnie, celle qui a balancé mon parapluie dans l’eau sale de la baignoire, ceux qui me volaient de l’argent, ceux qui me faisaient voir très rapidement que j’étais de trop et qu’il valait mieux que j’aille faire un tour pour me distraire les idées, ce que je faisais volontiers.
  8. Je vis parfaitement bien dans le vide. Ce n’est pas vrai.
  9. Je rêve souvent que je pénètre dans un lieu qu’autrefois j’ai habité. Malaise et peur d’être surprise par les nouveaux occupants.
  10. Près de chez moi, plus précisément à l’entrée du supermarché, il y a l’homme qui lit. Il raconte sa vie par bribes, entre deux commentaires sur les lectures qui l’intéressent, l’Histoire et la philosophie. Je lui demande s’il a un endroit pour vivre, il dit que oui, un endroit abrité, avec un toit ? Oui. Il a aussi un réchaud.
  11. Les sans-abri vivent au ras du sol, les retraités sur les bancs publics.

#anthologie #04 | La chose

La chose était par terre, à moitié cachée par une touffe d’herbe. Et dès que je l’ai vue, dès que j’ai vu cette chose, déjà rongée, je me suis tout de suite dit comment m’en débarrasser, la ramasser, impossible ! Alors j’ai pensé, pensé, je vais lui lancer un jet d’eau. Mais le jet d’eau ne l’a fait bouger que de Continuer la lecture#anthologie #04 | La chose

#anthologie #01 | L’infinitif relatif

Ouvrir la porte, dire bonjour à des gens que je ne connais pas, fermer la porte, m’asseoir devant des gens que je ne connais pas, écouter les gens qui ne me connaissent pas parler de moi comme s’ils me connaissaient déjà, répondre aux questions des gens qui ne me connaissent pas, écouter sans pouvoir rien changer à l’opinion que ces Continuer la lecture#anthologie #01 | L’infinitif relatif

#anthologie #prologue | Choses dues

Le devoir de naître garçon, le devoir de ne pas tomber malade, le devoir d’obéir, de boire du lait, le devoir d’embrasser, sourire, dire bonjour, de ne pas pleurer, écouter, attendre que les heures passent au tic-tac de la pendule, attendre que quelqu’un se réveille, que la porte s’ouvre, le devoir d’accepter ce que l’on donne, le devoir de dire Continuer la lecture#anthologie #prologue | Choses dues

# La fabrique | Deux ateliers

C’est la deuxième année que je fais un atelier d’écriture avec des élèves de 5ème du Lycée Français de Lisbonne. Pourquoi des 5ème ? Je l’ai expressément demandé à Amandine Froment, professeure de français dans cet établissement, qui m’a très gentiment invitée à travailler avec elle. J’ai pensé que je m’entendrais très bien avec des élèves de onze/douze ans et que Continuer la lecture# La fabrique | Deux ateliers

#été 2023 # 9bis | Faire bouger le temps

La maison de Gaspard était à étage, étroite, serrée entre deux autres maisons plus larges et beaucoup plus hautes qui semblaient la soutenir et la protéger. Je disais en riant à Gaspard que sa maison n’avait pas de toit, car on ne le voyait de nulle part, ni de la rue ni du trottoir en face même en se mettant Continuer la lecture#été 2023 # 9bis | Faire bouger le temps

#été 2023 #9bis | La méprise

De dos, il ressemble tellement à l’ancien directeur que mon cœur fait un bond dans ma poitrine et un élan de joie met aussitôt mes jambes debout prêtes à courir vers lui. Même veste serrée, même carrure, le même manque de cheveux sur la partie arrière de son crâne, le dos légèrement vouté comme à son habitude. Il est revenu, Continuer la lecture#été 2023 #9bis | La méprise

# été 2023 # 9 | Le nouvel ordre des choses II

Trois heures du matin. C’est l’heure où je me réveille pour aller faire quelque chose dans la maison complètement déserte. Boire un verre d’eau, m’asseoir sur le fauteuil le plus confortable de la grande salle, très convoité pendant la journée, tailler mes crayons qui s’usent vite, ce qui m’inquiète, car les livreurs auxquels auparavant je demandais des petits services, ne Continuer la lecture# été 2023 # 9 | Le nouvel ordre des choses II

#été 2023 #8bis | Le nouvel ordre des choses I

Dresser la table pour les repas est l’une de nos occupations. On commence par aligner les assiettes métalliques sur un grand rectangle en bois recouvert de nappes en plastique de plusieurs couleurs que l’on doit bien superposer pour qu’il n’y ait pas d’intervalles entre elles. Elles sont par endroits plutôt graisseuses, car on ne s’applique pas assez à les nettoyer Continuer la lecture#été 2023 #8bis | Le nouvel ordre des choses I

#été 2023 # 8 | Le mur

Il faut obéir, je suis ici pour obéir, si j’obéis, tout ira bien. Le règlement est clair. Aucun problème ne m’arrivera si je me plie aux ordres que l’on me donne. J’ai accumulé trop de désobéissances et c’est pour cela que ma main tremble encore et mes jambes parfois cessent de sentir la terre ferme. On commence par une toute Continuer la lecture#été 2023 # 8 | Le mur