A propos de Gracia Bejjani

Gracia Bejjani est née à Beyrouth. Elle a quitté son pays à vingt ans, elle a fugué, n’a jamais quitté. Elle dit : « J’écris, je filme, photographie. J’écris ». Elle est auteur du recueil J’ai appris à parler sur tes lèvres (La Kainfristanaise). Ses textes sont publiés par de nombreuses revues comme la NRF Gallimard, l’anthologie 2024 du Printemps des poètes (Castor Astral), Décharge, Wam, Lettres d’hivernage, Radicale… et en ligne par le Courrier International, Plume Francophone, Hors-Sol, Poema… Elle a été programmée au Festival Extra Litteratube à Beaubourg, à la Maison de la Poésie de Paris et au Festival international de Poésie de Roulers (Belgique). Elle tient également une chronique dans la rubrique « culture » d’Ici Beyrouth. Sa chaîne YouTube, régulièrement alimentée par de nouvelles créations, regroupe à ce jour près de sept cents vidéos-poèmes. – Site : https://graciabejjani.fr/ – Chaîne : https://www.youtube.com/c/graciabejjani

#enfances #01 | figures et gestes

Elle, c’est la FranceElle, c’est la France chez nous. Elle a de longs cheveux lisses. Ils ne sont pas noirs, on la dit blonde. Plus tard j’apprendrai à qualifier les châtains, j’apprendrai les nuances. À chaque visite je guette les nouveaux mots de notre langue, ça trébuche entre ses lèvres gaies. Ma grand-mère ne parle pas français, j’écoute leurs conversations Continuer la lecture#enfances #01 | figures et gestes

#été2023 #01bis I Et crie la matière

Elle a toujours écrit. Elle répondrait comme d’autres. Avoir commencé tôt, n’avoir jamais arrêté. Elle le dirait gênée, comme d’usurper d’autres vies, auteur n’est pas son métier. Mais répondre autrement serait mentir. Des poèmes depuis petite, retours à la ligne ; sérieuse conformité. Elle écrivait et cachait les cahiers. Vérifiait le soir, ont-ils été ouverts ? Se fiait à d’implacables indices. Non Continuer la lecture#été2023 #01bis I Et crie la matière

#été2023 #01 | ça commence comme un jeu.

Parfois elle déplace un meuble. Vide. Joue aux rituels de l’auteur. Mais elle joue. Elle écrit partout, besoin de ce partout, que ça circule. Elle écrit dans le métro. En attendant son tour. Entre deux conversations. À table, pour la stabilité du monde et le plaisir de se lever quand ça coince. Sur des cahiers, sur le téléphone, sur une Continuer la lecture#été2023 #01 | ça commence comme un jeu.

carnets individuels | gracia bejjani

#33tais tout ça reprend rabâche m’abstenir trop de mots, trop de quelque chose ça commente tu te répètes voles en éclat chut faire le vide je fais le vide avec la parole tu arrêtes les mots par les mots je pense le ne pas penser me dire de me taire c’est parler ne pas commenter le vide me vider ne Continuer la lecturecarnets individuels | gracia bejjani

#40jours #17 | silence, elle chute

on dit que je suis tombée. on parle d’accident triste. tragique par accident. on plaint mère et père, me perdre si jeune. que sait-on de ma rage assujettie. on écarte la violence de mon corps au sol, corps explosé sur l’asphalte. on dit que je suis tombée du balcon, en accrochant le linge, j’aurais basculé. on ne croit pas à Continuer la lecture#40jours #17 | silence, elle chute

#40jours #01 | tout deviendra poussière

depuis que grande… enfant, elle aimait y esquisser son prénom, suivi d’un cœur ; doigt bruni de poussière, fière de se voir désignée, seules lignes propres de la surface, comme rescapée. depuis qu’adulte… elle a cessé de s’amuser de ces palimpsestes, aucune façade n’accueillera mots ni dessin. elle veille, nettoie, mains cachées. (extrait)

#L3 | mots comme balles.

Tu parles à son visage. Tu t’entends. Ta voix te trahit en fin de phrases, altérée comme dissociée de toi. Tu t’entends découper les mots, les adresser au visage de ta mère, à la surface de son visage familier, étrange familiarité. À chaque retour, évidence et désarroi, c’est elle, ta maman. Tu lui envoies les mots comme des balles au Continuer la lecture#L3 | mots comme balles.