A propos de Gracia Bejjani

Gracia Bejjani est née à Beyrouth. Elle a quitté son pays à vingt ans, elle a fugué, n’a jamais quitté. Elle dit : « J’écris, je filme, photographie. J’écris ». Elle est auteur du recueil J’ai appris à parler sur tes lèvres (La Kainfristanaise). Ses textes sont publiés par de nombreuses revues comme la NRF Gallimard, l’anthologie 2024 du Printemps des poètes (Castor Astral), Décharge, Wam, Lettres d’hivernage, Radicale… et en ligne par le Courrier International, Plume Francophone, Hors-Sol, Poema… Elle a été programmée au Festival Extra Litteratube à Beaubourg, à la Maison de la Poésie de Paris et au Festival international de Poésie de Roulers (Belgique). Elle tient également une chronique dans la rubrique « culture » d’Ici Beyrouth. Sa chaîne YouTube, régulièrement alimentée par de nouvelles créations, regroupe à ce jour près de sept cents vidéos-poèmes. – Site : https://graciabejjani.fr/ – Chaîne : https://www.youtube.com/c/graciabejjani

#anthologie #08 | qui parle à son corps.

La clef si simple, si nue, qu’elle semble remplaçable. Un bout de fer suffirait, pense-t-on avant de renoncer. Si peu de dents au bout — ces longues clefs par endroit rouillées. Si peu suffirait, pense-t-on. Jeux de doigts pour trouver l’accroche. Bouger dans le trou, pas de mouvement brusque. Et ça s’enclenche, on ne sait comment, comme un jeu. L’agacement Continuer la lecture#anthologie #08 | qui parle à son corps.

#anthologie #07 | lampe et silence.

J’ai écrit sur elle. Je n’ai fait que ça, écrire. Sur elle. Je ne me préparais pas, j’écrivais. Jamais je n’ai cherché à écrire sur ma mère, j’écrivais son mouvement, ses formes. Ses récits, discours continus. Écrire ma mère se passait de volonté, d’intention. Se passait de moi, ma mère poursuivant sa vie, se jetant entre mes doigts, dans ma Continuer la lecture#anthologie #07 | lampe et silence.

#anthologie #06 | lente de nuit.

La nuit la réveille. Sa soif comme alerte. Un verre d’eau froide même l’hiver, bouche desséchée de trop de nuit. Seule parmi, la maison de nuit. Ronflements, chambre à côté, son mari ne se lève jamais de nuit, s’endort dès que tête posée. Elle l’envie parfois, puis pense au privilège de ces bouts de vie volés à la vie. Elle, Continuer la lecture#anthologie #06 | lente de nuit.

#anthologie #05 | du corps à l’avant du corps.

Je m’impose. On voudrait me cacher. Avale ton ventre répète la mère à l’adolescente. Je ne disparais pas, leurs vêtements amples tout juste me recouvrent. On a honte de moi, certains regards étonnés (les pires). On me serre, on me comprime, je déborde. M’impose, j’avance devant. Je garde trace de ceintures, étranglement et plaie. Ces mêmes qui claquent sur les Continuer la lecture#anthologie #05 | du corps à l’avant du corps.

#anthologie #04 | en sens opposés.

1-Les odeurs des plats (on peut jouer à deviner) ; les coups du mortier ; cris des gens ; klaxons des rues (ça fait à chaque fois sursauter) ; la texture de l’asphalte chaud sous la semelle (parfois très collante) ; le soleil sur les miroirs (et les yeux impossibles) ; le vent aux fenêtres, petite trêve ; le chant maladroit de ma mère ; le chatouillement de Continuer la lecture#anthologie #04 | en sens opposés.

#anthologie #03 | ça de lui.

Il y avait aussi ça dans le tiroir de mon père. Il y a ça depuis que je suis petite. Ça dans l’armoire fermée à clef. Ça que j’ai vu ce jour-là et dès que je l’ai vu, j’ai compris que j’allais le prendre, je ne le jetterai pas, je le garderai avec moi. Ça, aussi grand qu’un canif de Continuer la lecture#anthologie #03 | ça de lui.

#anthologie #02 | elle aurait ses gestes.

Elle serait assise à table, table en bois foncé couverte d’une nappe vert sapin. Le vert, sa couleur (l’espoir). Elle serait assise, mains touillent taillent assemblent. Le persil sur la planche à découper, tiges sagement alignées. L’eau perle sur les feuilles encore entières, bientôt hachées. Dans un saladier en plastique vert, le reste du persil (plus de cinq bouquets). Les Continuer la lecture#anthologie #02 | elle aurait ses gestes.

#anthologie #01 | chaque lieu sa danse.

Dérouler le plafond, grain après grain, suivre l’illusion du mouvement ; le corps, passivité de brancard. Se laisser glisser, impulsion et secousses, l’attention est présence de pierre. Écouter les roues crisser, se bloquer parfois. Trembler à ce rythme. Et bruits de couloirs. Regard plafond, renoncer à compter les dalles, perdant le fil déjà. Fixer plafonds dalles néons. N’avoir que ça, se Continuer la lecture#anthologie #01 | chaque lieu sa danse.

#anthologie #prologue | j’ai fabriqué ma peau.

J’ai été bercée de mouvements, réchauffée de chair, nourrie. J’ai gigoté sans direction, ivre d’eau déjà. Joie sans raison. Noyée de mère. J’ai flotté ivre de confusion ; brassée. Je n’étais pas encore née, agitée déjà. Bousculée de bruits, de chants, d’humeurs. J’ai remué ; j’étais serrée contenue. Écrasée, me sera toujours réconfort. J’ai bougé, comme tout a toujours bougé autour. J’ai Continuer la lecture#anthologie #prologue | j’ai fabriqué ma peau.

#gestes&usages #07 | vous serez femmes mes filles.

Vous devez vous laver les mains à chaque fois que vous touchez les choses publiques. Même si elles semblent saines, les microbes ne se voient pas.Vous devez ne pas vous salir quand vous jouez, même au foot dans la cour. Ou par terre aux poupées.Vous devez toujours vérifier après avoir tiré la chasse. Vous assurer que c’est propre après vous.Lavez-vous Continuer la lecture#gestes&usages #07 | vous serez femmes mes filles.