A propos de Gracia Bejjani

Gracia Bejjani est née à Beyrouth. Elle a quitté son pays à vingt ans, elle a fugué, n’a jamais quitté. Elle dit : « J’écris, je filme, photographie. J’écris ». Elle est auteur du recueil J’ai appris à parler sur tes lèvres (La Kainfristanaise). Ses textes sont publiés par de nombreuses revues comme la NRF Gallimard, l’anthologie 2024 du Printemps des poètes (Castor Astral), Décharge, Wam, Lettres d’hivernage, Radicale… et en ligne par le Courrier International, Plume Francophone, Hors-Sol, Poema… Elle a été programmée au Festival Extra Litteratube à Beaubourg, à la Maison de la Poésie de Paris et au Festival international de Poésie de Roulers (Belgique). Elle tient également une chronique dans la rubrique « culture » d’Ici Beyrouth. Sa chaîne YouTube, régulièrement alimentée par de nouvelles créations, regroupe à ce jour près de sept cents vidéos-poèmes. – Site : https://graciabejjani.fr/ – Chaîne : https://www.youtube.com/c/graciabejjani

#anthologie #03 | ça de lui.

Il y avait aussi ça dans le tiroir de mon père. Il y a ça depuis que je suis petite. Ça dans l’armoire fermée à clef. Ça que j’ai vu ce jour-là et dès que je l’ai vu, j’ai compris que j’allais le prendre, je ne le jetterai pas, je le garderai avec moi. Ça, aussi grand qu’un canif de Continuer la lecture#anthologie #03 | ça de lui.

#anthologie #02 | elle aurait ses gestes.

Elle serait assise à table, table en bois foncé couverte d’une nappe vert sapin. Le vert, sa couleur (l’espoir). Elle serait assise, mains touillent taillent assemblent. Le persil sur la planche à découper, tiges sagement alignées. L’eau perle sur les feuilles encore entières, bientôt hachées. Dans un saladier en plastique vert, le reste du persil (plus de cinq bouquets). Les Continuer la lecture#anthologie #02 | elle aurait ses gestes.

#anthologie #01 | chaque lieu sa danse.

Dérouler le plafond, grain après grain, suivre l’illusion du mouvement ; le corps, passivité de brancard. Se laisser glisser, impulsion et secousses, l’attention est présence de pierre. Écouter les roues crisser, se bloquer parfois. Trembler à ce rythme. Et bruits de couloirs. Regard plafond, renoncer à compter les dalles, perdant le fil déjà. Fixer plafonds dalles néons. N’avoir que ça, se Continuer la lecture#anthologie #01 | chaque lieu sa danse.

#anthologie #prologue | j’ai fabriqué ma peau.

J’ai été bercée de mouvements, réchauffée de chair, nourrie. J’ai gigoté sans direction, ivre d’eau déjà. Joie sans raison. Noyée de mère. J’ai flotté ivre de confusion ; brassée. Je n’étais pas encore née, agitée déjà. Bousculée de bruits, de chants, d’humeurs. J’ai remué ; j’étais serrée contenue. Écrasée, me sera toujours réconfort. J’ai bougé, comme tout a toujours bougé autour. J’ai Continuer la lecture#anthologie #prologue | j’ai fabriqué ma peau.

#gestes&usages #07 | vous serez femmes mes filles.

Vous devez vous laver les mains à chaque fois que vous touchez les choses publiques. Même si elles semblent saines, les microbes ne se voient pas.Vous devez ne pas vous salir quand vous jouez, même au foot dans la cour. Ou par terre aux poupées.Vous devez toujours vérifier après avoir tiré la chasse. Vous assurer que c’est propre après vous.Lavez-vous Continuer la lecture#gestes&usages #07 | vous serez femmes mes filles.

#enfances #01 | figures et gestes

Elle, c’est la FranceElle, c’est la France chez nous. Elle a de longs cheveux lisses. Ils ne sont pas noirs, on la dit blonde. Plus tard j’apprendrai à qualifier les châtains, j’apprendrai les nuances. À chaque visite je guette les nouveaux mots de notre langue, ça trébuche entre ses lèvres gaies. Ma grand-mère ne parle pas français, j’écoute leurs conversations Continuer la lecture#enfances #01 | figures et gestes

#été2023 #01bis I Et crie la matière

Elle a toujours écrit. Elle répondrait comme d’autres. Avoir commencé tôt, n’avoir jamais arrêté. Elle le dirait gênée, comme d’usurper d’autres vies, auteur n’est pas son métier. Mais répondre autrement serait mentir. Des poèmes depuis petite, retours à la ligne ; sérieuse conformité. Elle écrivait et cachait les cahiers. Vérifiait le soir, ont-ils été ouverts ? Se fiait à d’implacables indices. Non Continuer la lecture#été2023 #01bis I Et crie la matière

#été2023 #01 | ça commence comme un jeu.

Parfois elle déplace un meuble. Vide. Joue aux rituels de l’auteur. Mais elle joue. Elle écrit partout, besoin de ce partout, que ça circule. Elle écrit dans le métro. En attendant son tour. Entre deux conversations. À table, pour la stabilité du monde et le plaisir de se lever quand ça coince. Sur des cahiers, sur le téléphone, sur une Continuer la lecture#été2023 #01 | ça commence comme un jeu.

carnets individuels | gracia bejjani

#33tais tout ça reprend rabâche m’abstenir trop de mots, trop de quelque chose ça commente tu te répètes voles en éclat chut faire le vide je fais le vide avec la parole tu arrêtes les mots par les mots je pense le ne pas penser me dire de me taire c’est parler ne pas commenter le vide me vider ne Continuer la lecturecarnets individuels | gracia bejjani