A propos de Gracia Bejjani

Gracia Bejjani est née à Beyrouth. Elle a quitté son pays à vingt ans, elle a fugué, n’a jamais quitté. Elle dit : « J’écris, je filme, photographie. J’écris ». Elle est auteur du recueil J’ai appris à parler sur tes lèvres (La Kainfristanaise). Ses textes sont publiés par de nombreuses revues comme la NRF Gallimard, l’anthologie 2024 du Printemps des poètes (Castor Astral), Décharge, Wam, Lettres d’hivernage, Radicale… et en ligne par le Courrier International, Plume Francophone, Hors-Sol, Poema… Elle a été programmée au Festival Extra Litteratube à Beaubourg, à la Maison de la Poésie de Paris et au Festival international de Poésie de Roulers (Belgique). Elle tient également une chronique dans la rubrique « culture » d’Ici Beyrouth. Sa chaîne YouTube, régulièrement alimentée par de nouvelles créations, regroupe à ce jour près de sept cents vidéos-poèmes. – Site : https://graciabejjani.fr/ – Chaîne : https://www.youtube.com/c/graciabejjani

#anthologie #10 | je parle à mes mains.

Vous avez quelques taches brunes. Soleil, vieillesse, je ne m’inquiète pas. J’ai l’âge. Je vous touche quand je veux me parler, je ne trouve pas d’autres mots. Je vous touche pour vérifier, animées au bout de moi. Je vous pose sur mes genoux et j’ai l’impression de me faire modèle sans peintre en face. J’ai l’âge et vous commencez à Continuer la lecture#anthologie #10 | je parle à mes mains.

anthologie #28 | le réel comme fabrique.

Le livre est épais lourd volumineux. Pointe de fierté de tenir cette masse, de l’avoir entre les mains, disponible. Elle cale l’ouvrage contre le mur, droit comme statue. Comme statue, Chef Antoine debout sur la couverture cartonnée. Bras croisés, ventre généreux, le corps aussi accueillant que le sourire. Sa bouche moustachée, la malice de ses yeux. Elle garde le livre Continuer la lectureanthologie #28 | le réel comme fabrique.

anthologie #27 | trois débuts (autrement dit, fins)

Elle a hérité de l’appartement. Sa mère le lui a toujours dit, tout de cette maison sera à toi, jusqu’à sa moindre poussière. La famille est prévenue, meubles tapis vaisselles plantes… tout. Elle a toujours entendu chanter les mots de sa mère, comme histoires racontées. La promesse d’héritage en fait partie. Elle écoute ces récits mais corps absent. Ne se Continuer la lectureanthologie #27 | trois débuts (autrement dit, fins)

anthologie #26 | comme aveugle.

Même si je le voulais, je ne pourrais. Je ne trouve pas ma voix, je l’entends par instants comme ombre dans mes poumons. Je l’entends dans mes oreilles, arrêtée. Ce n’est pas une voix intérieure, je ne me parle pas. Je m’apprête à vous parler, j’entends ma voix s’arrêter à un endroit. Même si le voulais, je ne pourrai vous Continuer la lectureanthologie #26 | comme aveugle.

anthologie #25 | simple comme ça.

Tes odeurs pour dire le lien. Le temps. Beyrouth l’été. Je suis l’enfant et tu transpires quand tu me portes. La vie sent doux. Je me sens sucrée. Tu me serres contre toi après la douche. Me sécher, corps enveloppant. Et je te renifle sans bruit. Le cou surtout et la poitrine. Ton odeur, accentuée par l’effort. Ton odeur de Continuer la lectureanthologie #25 | simple comme ça.

anthologie #23 | encore plus bas ces mots.

On les voit venir, on les voit s’installer. On les entend. Parfois on ne les voit pas mais ils sont là. Six étages et le rez-de-chaussée. Le sous-sol. Le voisinage comme deuxième famille. Sans certitude de stabilité, on les voit quitter, se faire remplacer. On perd contact avec certains, d’autres reviennent prendre un café et des nouvelles. L’immeuble comme maison Continuer la lectureanthologie #23 | encore plus bas ces mots.

anthologie #19 | paradoxe du trop familier.

Jacques Chirac un 14 juillet 2006, il sait marquer les pauses, corps et voix, Jacques Chirac parle du Liban, s’inquiète de sa démolition — les images de la vieille guerre me reviennent, au cas où j’aurais oublié ; le Liban à la une des journaux en France, le Liban par terre ce 13 juillet 2006, je reconnais d’anciens mondes ; on parle de nous Continuer la lectureanthologie #19 | paradoxe du trop familier.

#anthologie #09 | un jour comme un autre.

tu quittes pour les cours, dernier coup d’œil sur le miroir, prête avant l’heure tu peux prendre le temps, toi face à toi dans le miroir, coquetterie de tes vingt ans ou petit réflexe, dernier coup d’œil avant la journée ;tu vois tes yeux isolés, tes yeux se refusent, tes yeux et ce rien qu’ils renvoient, te dépêcher, produire des mots, Continuer la lecture#anthologie #09 | un jour comme un autre.