A propos de Gracia Bejjani

Gracia Bejjani est née à Beyrouth. Elle a quitté son pays à vingt ans, elle a fugué, n’a jamais quitté. Elle dit : « J’écris, je filme, photographie. J’écris ». Elle est auteur du recueil J’ai appris à parler sur tes lèvres (La Kainfristanaise). Ses textes sont publiés par de nombreuses revues comme la NRF Gallimard, l’anthologie 2024 du Printemps des poètes (Castor Astral), Décharge, Wam, Lettres d’hivernage, Radicale… et en ligne par le Courrier International, Plume Francophone, Hors-Sol, Poema… Elle a été programmée au Festival Extra Litteratube à Beaubourg, à la Maison de la Poésie de Paris et au Festival international de Poésie de Roulers (Belgique). Elle tient également une chronique dans la rubrique « culture » d’Ici Beyrouth. Sa chaîne YouTube, régulièrement alimentée par de nouvelles créations, regroupe à ce jour près de sept cents vidéos-poèmes. – Site : https://graciabejjani.fr/ – Chaîne : https://www.youtube.com/c/graciabejjani

#anthologie #11 | ce glissement qui nous rapproche du reste.

Je ne sais pas si j’ai vraiment dormi si j’ai rêvé flotté Quelle sorte de sommeil en si peu de temps nous repose L’annonce de l’arrivée réveille ma voisine de droite Elle se redresse comme tirée d’une attente suspendue L’atterrissage est imminent après nos heures de temporalité incertaine Les lumières des cabines se rallument Fébrilité des passagers enfin autorisés à Continuer la lecture#anthologie #11 | ce glissement qui nous rapproche du reste.

anthologie #40 | hypothèses (suivi de, elle aurait été écrite).

Elle aurait écrit ce livre en arabe. Elle se serait appliquée, non pour la lisibilité mais pour la beauté du geste. Elle l’aurait écrit pour ses enfants son mari ses parents. Par amour comme elle le dit de tout mouvement entrepris. Non pas pour qu’ils lisent ses mots, mais pour leur parler autrement, en une conversation silencieuse. Elle aurait écrit Continuer la lectureanthologie #40 | hypothèses (suivi de, elle aurait été écrite).

#anthologie #38 | recherche Liban, actualité. Beyrouth.

Mardi 4 août 2020, école d’ostéopathie à Paris. L’élève et l’enseignante devant mon corps nu. Debout, bras écartés ! J’obéis à la voix qui sait. Nue et debout. Leurs yeux sur mes points de fragilité. Visage apathique, elles regardent commentent, j’écoute. On parle de la densité de mes os, de graisse. On analyse la cambrure du dos. On évite le ventre qui dégringole Continuer la lecture#anthologie #38 | recherche Liban, actualité. Beyrouth.

#anthologie #37 | on vivait entre.

On vit apparaître les premiers barrages. Milices et fusils au contrôle, sans autres choix que de s’arrêter, tendre nos cartes d’identité, répondre aux questions. Attendre derrière les vitres baissées des voitures, demander aux regards, on ne voyait que des yeux derrière les cagoules certains jours. On vit des routes se fermer, horizons raccourcis. Les habitants se replier chez eux comme Continuer la lecture#anthologie #37 | on vivait entre.

#anthologie #35 | chaque lieu, ses voix.

Couloirs d’hôpital, succession de couloirs, murs, portes. Lumière blanche. L’infirmer pousse sans mot, un sourire parfois vers le visage allongé qui le regarde aux virages. Le reste du corps, invisible sous le drap blanc. Le chariot grince par moments, la jeune fille se tait.V.O. : Elle serait seule. Elle aurait appris ça, se débrouiller sans. Parler sans parler. Il y a Continuer la lecture#anthologie #35 | chaque lieu, ses voix.

#anthologie #34 | comme aveugles, des voix.

Chambre à coucher. On a éteint, la lumière est suffisante malgré les rideaux épais aux fenêtres. La mère est allongée, eux autour. Tuyaux au bout des narines, contrainte de rester sur le dos. Bruit continu d’un appareil à oxygène. À sa gauche entre lit et mur. Ventilateur de l’autre côté. tu veux te reposer, qu’on te laisse ?ils sont peut-être fatigués Continuer la lecture#anthologie #34 | comme aveugles, des voix.

#anthologie #33 | monde gronde claque explose.

Instants blancs de bombes instants de nuit blanche trop de bombes jetées. Nuit de trous reliefs d’autres couleurs éclairs acier. Ciel envahi ciel comme mer feu et cendre. Averses de bruits d’étoiles foudre sèche. La voiture tangue lâche penche la terre comme mer et furie. Terre molle étouffée. De quoi j’ai peur bombes mort bruit des reproches de ma mère Continuer la lecture#anthologie #33 | monde gronde claque explose.

#anthologie #32 | normal.

Suivre les voyageurs de près, je n’ai pas d’autres choix. C’est normal, ils semblent savoir où ils vont. Où s’arrêter. Attendre et comment patienter. Devant moi, la jeune femme tire son enfant comme tout à l’heure la valise (j’imagine). Il se laisse faire, un jeu peut-être. Je reconnais certains visages croisés au départ de Beyrouth. Le monsieur qui sort son Continuer la lecture#anthologie #32 | normal.

#anthologie #31 | tu riais de tomber.

Laisse-moi t’approcher. Laisse-moi maintenant t’approcher, maintenant que sans corps. Je n’ai plus de support, plus d’ombre. Laisse-moi m’approcher sans mon corps poussière. Mes bras perdus, les pieds. Je n’ai plus de sueur, plus d’odeur. Tu n’as rien à éviter, ni main ni visage. Je ne suis plus ton inquiétude, je ne suis plus ton réel. Mais la voix plus intime Continuer la lecture#anthologie #31 | tu riais de tomber.

#anthologie #29 | l’impossible départ.

… ils me retenaient, ils ne disaient rien, ils pesaient dans mon corps. Ils me contenaient, me retenaient et toujours se taisaient, ça évitait les questions. Ils riaient, souffraient, se sacrifiaient… ils m’attrapaient. Ils étaient là pour moi, je faisais leur joie. Ça me suffisait, me maintenait. Famille, proches, patrie — j’appartenais. On voit venir de nouveaux voisins, on les Continuer la lecture#anthologie #29 | l’impossible départ.