A propos de Gracia Bejjani

Gracia Bejjani est née à Beyrouth. Elle a quitté son pays à vingt ans, elle a fugué, n’a jamais quitté. Elle dit : « J’écris, je filme, photographie. J’écris ». Elle est auteur du recueil J’ai appris à parler sur tes lèvres (La Kainfristanaise). Ses textes sont publiés par de nombreuses revues comme la NRF Gallimard, l’anthologie 2024 du Printemps des poètes (Castor Astral), Décharge, Wam, Lettres d’hivernage, Radicale… et en ligne par le Courrier International, Plume Francophone, Hors-Sol, Poema… Elle a été programmée au Festival Extra Litteratube à Beaubourg, à la Maison de la Poésie de Paris et au Festival international de Poésie de Roulers (Belgique). Elle tient également une chronique dans la rubrique « culture » d’Ici Beyrouth. Sa chaîne YouTube, régulièrement alimentée par de nouvelles créations, regroupe à ce jour près de sept cents vidéos-poèmes. – Site : https://graciabejjani.fr/ – Chaîne : https://www.youtube.com/c/graciabejjani

anthologie #23 | encore plus bas ces mots.

On les voit venir, on les voit s’installer. On les entend. Parfois on ne les voit pas mais ils sont là. Six étages et le rez-de-chaussée. Le sous-sol. Le voisinage comme deuxième famille. Sans certitude de stabilité, on les voit quitter, se faire remplacer. On perd contact avec certains, d’autres reviennent prendre un café et des nouvelles. L’immeuble comme maison Continuer la lectureanthologie #23 | encore plus bas ces mots.

anthologie #21 | l’annoter.

J’ai des photos de toi (1). Des vidéos (2). Des tirages agrandis (3). Tu es aux écrans, tu es autour (4). Chez toi aussi. Mais il y a une photo. Tu la montres souvent. Tu la sors de l’album comme si le flou venait du plastique protecteur et non du temps (5). Tu ris, caresses cette jeune femme que tu Continuer la lectureanthologie #21 | l’annoter.

#anthologie #20 | trouble.

J’ai des photos de toi. Des vidéos. Des tirages agrandis. Tu es aux écrans, tu es autour. Chez toi aussi. Mais il y a une photo. Tu la montres souvent. Tu la sors de l’album comme si le flou venait du plastique protecteur et non du temps. Tu ris, caresses cette jeune femme que tu dis être toi. Tu passes Continuer la lecture#anthologie #20 | trouble.

anthologie #19 | paradoxe du trop familier.

Jacques Chirac un 14 juillet 2006, il sait marquer les pauses, corps et voix, Jacques Chirac parle du Liban, s’inquiète de sa démolition — les images de la vieille guerre me reviennent, au cas où j’aurais oublié ; le Liban à la une des journaux en France, le Liban par terre ce 13 juillet 2006, je reconnais d’anciens mondes ; on parle de nous Continuer la lectureanthologie #19 | paradoxe du trop familier.

#anthologie #09 | un jour comme un autre.

tu quittes pour les cours, dernier coup d’œil sur le miroir, prête avant l’heure tu peux prendre le temps, toi face à toi dans le miroir, coquetterie de tes vingt ans ou petit réflexe, dernier coup d’œil avant la journée ;tu vois tes yeux isolés, tes yeux se refusent, tes yeux et ce rien qu’ils renvoient, te dépêcher, produire des mots, Continuer la lecture#anthologie #09 | un jour comme un autre.

#anthologie #08 | qui parle à son corps.

La clef si simple, si nue, qu’elle semble remplaçable. Un bout de fer suffirait, pense-t-on avant de renoncer. Si peu de dents au bout — ces longues clefs par endroit rouillées. Si peu suffirait, pense-t-on. Jeux de doigts pour trouver l’accroche. Bouger dans le trou, pas de mouvement brusque. Et ça s’enclenche, on ne sait comment, comme un jeu. L’agacement Continuer la lecture#anthologie #08 | qui parle à son corps.

#anthologie #07 | lampe et silence.

J’ai écrit sur elle. Je n’ai fait que ça, écrire. Sur elle. Je ne me préparais pas, j’écrivais. Jamais je n’ai cherché à écrire sur ma mère, j’écrivais son mouvement, ses formes. Ses récits, discours continus. Écrire ma mère se passait de volonté, d’intention. Se passait de moi, ma mère poursuivant sa vie, se jetant entre mes doigts, dans ma Continuer la lecture#anthologie #07 | lampe et silence.

#anthologie #06 | lente de nuit.

La nuit la réveille. Sa soif comme alerte. Un verre d’eau froide même l’hiver, bouche desséchée de trop de nuit. Seule parmi, la maison de nuit. Ronflements, chambre à côté, son mari ne se lève jamais de nuit, s’endort dès que tête posée. Elle l’envie parfois, puis pense au privilège de ces bouts de vie volés à la vie. Elle, Continuer la lecture#anthologie #06 | lente de nuit.

#anthologie #05 | du corps à l’avant du corps.

Je m’impose. On voudrait me cacher. Avale ton ventre répète la mère à l’adolescente. Je ne disparais pas, leurs vêtements amples tout juste me recouvrent. On a honte de moi, certains regards étonnés (les pires). On me serre, on me comprime, je déborde. M’impose, j’avance devant. Je garde trace de ceintures, étranglement et plaie. Ces mêmes qui claquent sur les Continuer la lecture#anthologie #05 | du corps à l’avant du corps.

#anthologie #04 | en sens opposés.

1-Les odeurs des plats (on peut jouer à deviner) ; les coups du mortier ; cris des gens ; klaxons des rues (ça fait à chaque fois sursauter) ; la texture de l’asphalte chaud sous la semelle (parfois très collante) ; le soleil sur les miroirs (et les yeux impossibles) ; le vent aux fenêtres, petite trêve ; le chant maladroit de ma mère ; le chatouillement de Continuer la lecture#anthologie #04 | en sens opposés.