A propos de Françoise Renaud

Parcours entre géologie et littérature, entre Bretagne et Languedoc. Certains mots lui font dresser les oreilles : peau, rébellion, atlantique (parce qu’il faut bien choisir). Romans récits nouvelles poésie publiés depuis 1997. Vit en sud Cévennes. Et voilà. Son site, ses publications, photographies, journal : francoiserenaud.com.

#gestes&usages #04 | enjamber le seuil

Le lieu et le cours de mon récit me poussent à lui inventer de nouveaux gestes, à elle, ma visiteuse. Reviennent en force ceux que j’ai vu pratiqués par les femmes pendant mon enfance à la campagne, aïeules, tantes et grand-tantes. Elle aussi les connaît, ils lui vont bien, ils font partie de son vocabulaire. Affûter un couteau à la Continuer la lecture#gestes&usages #04 | enjamber le seuil

#gestes&usages #02 | déséquilibre

Quand il vient au monde, personne n’a idée de ce qui va se passer. Il a l’air d’un bébé normal, tète avec ténacité, se redresse comme les autres bébés. Il dort peu, c’est vrai, semble ne pas réagir à son nom mais ça n’interroge personne. À six mois il rampe comme un petit animal. Brusquement il s’arrête, tripote un caillou Continuer la lecture#gestes&usages #02 | déséquilibre

#gestes&usages #01 | cette respiration lente tout comme le petit geste

À cause de la couleur poussière du vieux crépi et des joints entre les pierres, des étagères au-dessus de l’évier aménagé dans les années 50 et des recoins du plafond bas, on ressent le temps passé comme limon accumulé dans l’étang. À cause de la couleur fumée qui lèche les briques du four à pain et même le mur entier, Continuer la lecture#gestes&usages #01 | cette respiration lente tout comme le petit geste

#enfances #09 | chambre pour deux enfants

On y entre par une porte qui sonne creux à battre le châssis et qui, mal ajustée, laisse passer un filet de lumière en haut et en bas, bruit et rais bien reconnaissables et rassurants, mais on ignore à quel moment la chambre a commencé à exister dans la configuration dont on a gardé mémoire ni quel âge avaient alors Continuer la lecture#enfances #09 | chambre pour deux enfants

#enfances #08 | leurs présences

Souvent le soir, la présence du père à l’intérieur la maison modifie l’atmosphère. Installé dans la cuisine il mange, bruyamment souvent, il faut le servir et il laisse des miettes par terre quand il tranche le pain sur sa cuisse. La lumière est haute au plafond, se balance, fait des ombres. Souvent après le repas, il tresse l’osier pour fabriquer Continuer la lecture#enfances #08 | leurs présences

#enfances #07 | chevaucher les vents

Retourne sur toi, retourne à l’enfance même s’il est difficile de savoir où ça a commencé exactement, retourne à l’objet qui n’a pas de voix et qui parle pourtant de tous ses contours | l’objet n’a pas besoin d’autre chose que son allure et sa solidité pour indiquer ou diriger le geste, l’enfant sait comment s’y prendre avec lui l’objet Continuer la lecture#enfances #07 | chevaucher les vents

enfances #06 | voix & corps

Je tourne et vire sur la question de la voix, je cherche à savoir d’où elle surgit, par quel processus elle se redessine en mémoire. Est-elle reliée à la nature des mots prononcés, aux replis de l’histoire en train de se raconter, ou bien reste-t-elle indissociable du corps qui parle ? * Ma mère est toujours de ce monde bien que Continuer la lectureenfances #06 | voix & corps

#enfances #05 | marines

la mer forte | la vague me saute au ventre, m’emporte | dans l’écume je crie de plaisir, voudrais m’y noyer la mer | le rugissement de la mer, il reste en tête même la nuit la mer monte et descend | dans les petites mares les algues étalées comme en attente | filant d’une cachette à l’autre, de minuscules crabes Continuer la lecture#enfances #05 | marines

#enfances #04 | engloutissement

Laisser venir, laisser se construire (je parle du souvenir des choses), laisser les sens dire l’histoire. Le goût dans la bouche, l’odeur du grenier. Oui ça se passe dans le grenier. La maison de bord de mer étant louée de juin à septembre, la famille déménageait au grenier tout en conservant l’usage de la cuisine. Une porte la séparait du Continuer la lecture#enfances #04 | engloutissement

#enfances #03 | s’enfoncer dans l’arbre

Perdue. Sensation familière puisque connue depuis l’enfance, ça vient de loin, ça vient du cœur de l’été quand déjà le soir mange un peu de lumière au jour. Perdue, pourtant je ne m’en rends pas compte — même si j’ai la vague intuition qu’on va s’inquiéter pour moi —, peu à peu glissant pénétrant m’enfonçant dans le feuillage, rentrant presque dans l’arbre, Continuer la lecture#enfances #03 | s’enfoncer dans l’arbre