A propos de Franck Laisné

À 10 ans j'ai rêvé de devenir écrivain, à 30 je suis devenu acteur. Je noircis des carnets où je passe mon temps à me plaindre tout en nourrissant vaguement l'idée d'en faire un autodafé. J'aime les villes du nord à priori sans charme où les autochtones n'ont d'autres choix que de rire d'eux mêmes. J'aime mon prénom, pas mon nom de famille. Je préfère la bière au vin, le salé au sucré, l'amer à l'acide, le silence à la connerie. J'ai de la suite dans les idées, comme on dit, mais je suis fainéant. Je n'ai pas peur du vide ni de l'ennui, bien que beaucoup d'autres choses m'effrayent : les fascistes, le nucléaire, le patriarcat, l'intolérance, la bureaucratie, la police et les araignées.

L’odeur des caves

C’est comme d’attendre ton bus dans les chiottes publiques, cet abri noyé dans la nuit avec ses murs couverts de propos sordides. Mains dans les poches, sautillant sur place, tu patientes la goutte au nez. Puis arrive le car du ramassage scolaire, balayant de ses phares le rond point déjà décoré pour les fêtes. Ça trépigne pour entrer, ça se Continuer la lectureL’odeur des caves

#carnets #prologue | mon premier carnet

Mon premier carnet m’a été offert : Paperblanks format A6, couverture rigide aux motifs imitation grimoire avec petit fermoir en fer. Je n’aurais jamais acheté un carnet de ce genre, mais le fait qu’il m’évoquait le journal intime de mon enfance (j’avais si fort envié celui de ma cousine qu’on finit par m’en offrir un semblable) a certainement joué en Continuer la lecture#carnets #prologue | mon premier carnet

#photofictions #03 | Une douleur authentique

Sur la table en bois laminé blanc gisent une bouteille de crément brut apparemment vide, deux paquets de cigarettes – Marlboro, Gitanes – , une feuille d’aluminium, une serviette en papier chiffonnée, un verre sans pied à demi plein. Un deuxième verre, caché derrière la bouteille, contient encore un fond d’alcool, ce qu’on ne saurait affirmer pour le troisième dont Continuer la lecture#photofictions #03 | Une douleur authentique

#photofictions #02 | soixante cinq pour cent d’eau

Passé le tourniquet, je presse le pas : vite, je m’en vais retenir la lourde porte d’une épaule ; je sens alors les premiers effluves de chlore titiller mes narines et ma gorge. J’ai soudain trop chaud sous mes vêtements d’hiver. Je longe le mur de briques jaunes où sont alignés les sèche cheveux munis de gros boutons poussoir. Les uns fixés Continuer la lecture#photofictions #02 | soixante cinq pour cent d’eau

#photofictions #01 | les dimanches à l’hôpital

Un couloir désert ; tout au bout de celui-ci, une porte hermétique à double battants. Au dessus de la porte sont affichés des panneaux signalétiques, parcours fléchés, codes couleur. On y déchiffre les mots « admissions » et « Chirurgie ». Derrière les battants ouverts se prolongent une enfilade d’autres couloirs tout aussi désolés mais plus sombres, à l’exception d’une source de lumière jaillissant du Continuer la lecture#photofictions #01 | les dimanches à l’hôpital

#40jours #01 | chez Nathalie

La clé triangulaire ouvre la porte d’entrée de son immeuble tandis que l’autre donne accès à son appartement. La toute petite clé est pour la boîte aux lettres au rez-de-chaussée ; elle possède son propre anneau, contrairement aux deux premières. La clé de la Citroën aussi a le sien : quatre clés pour trois anneaux, donc, reliées à un porte-clé passablement volumineux Continuer la lecture#40jours #01 | chez Nathalie

#40jours #prologue | c’est donc ça Berck plage!

En plus d’offrir à son sommet un panorama formidable (les jours de beau temps le regard porte au moins jusqu’au Tréport), elle est aussi un barrage naturel protégeant les habitations de la plaine contre les assauts des vagues et de l’Authie, issue d’un colmatage progressif du rivage pendant le récent quaternaire – après que la mer ait raboté les falaises Continuer la lecture#40jours #prologue | c’est donc ça Berck plage!

Des creux et des bosses

La place Saint Lambert de Liège, enserrée entre un centre commercial et un tribunal, charrie une population aussi hétérogène que les flaques de kérosène flottant sur la Meuse. Quand la chimie s’en mêle ça donne un truc vraiment explosif dans le genre de la tuerie du 13 décembre 2011, lorsque, armé de grenades et d’un fusil d’assaut construit par la Continuer la lectureDes creux et des bosses

Les simples

Celle qui pose devant la façade en pierre pour la photo de mariage de sa fille, l’épaule collée contre son gendre, arborant sabots, tablier sale, pommettes saillantes, sourire en coin – la même qui, sur une autre photo, peu de temps avant sa mort, fixera l’objectif d’un air espiègle, s’agrippant à son sac comme à son secret de famille ; celle Continuer la lectureLes simples

Paria

Le jeu des visages inversés Ton visage au dessus du mien, retourné : une espèce de gueule incompréhensible et grotesque. Tes longs cheveux s’enracinent dans ma nuque, te dessinent une barbe, tes sourcils tracent des cernes en dessous des yeux. Entre les deux s’insinuent les rides du lion soudain changées en un genre de truffe, alors que ton front, dans cet Continuer la lectureParia