A propos de Françoise Durif

Pousse son premier cri en 1959. Carrière stoppée net. Nourrit un ressentiment tenace vis-à-vis de la famille en général. A, malgré tout, connu quelques happy-hours. Et heureusement, il y a l'écriture !

L#5 Images

[Les frottements mouillés des lettres les unes collées aux autres] les roues mordant avec précaution l’herbe grasse… le véhicule se garait lentement et tu n’en as conservé aucune image précise (dans ton esprit c’est simplement une voiture qui passe au ralenti, dont on ne distingue pas le conducteur, son ombre est seulement visible au travers du pare-brise arrière, une ombre Continuer la lectureL#5 Images

#P4 Machin et caetera

Non, mais tu sais, je voulais absolument lui répondre, machin et caetera, parce que finalement, c’est pas clair son truc, qu’est-ce qu’elle attend, de moi, enfin j’veux dire voilà, oui, t’as entendu comment je me suis fait remettre à ma place et pourquoi, parce qu’elle dit que je n’ai rien fait machin et caetera mais comment veux-tu que j’avance avec Continuer la lecture#P4 Machin et caetera

#L4 Mais c’est quoi, un livre

De mon livre de lecture du Cours Préparatoire, « Michel et ses bêtes », pour la sonorité, les frottements mouillés des lettres les unes collées aux autres formant les mots  « Ripp jappe de joie » Du livre de recettes de la Cocotte-minute, dans lequel j’apprends que les mots donnent à manger De Butor, Michel, l’enfermement au vous, cette prison de destinée me mettant Continuer la lecture#L4 Mais c’est quoi, un livre

#L3 | Transhumance

ils se sont levés tôts dans la nuit pour l’annuelle transhumance, le retour vers la terre familiale, celle qui ne les a pas nourris mais qui résonne toujours en eux, malgré tout, le rituel de l’été, le pays, l’arrivée, enfin, comme point final de la route qui s’arrête et c’est pas trop tôt, le village est le dernier, un vrai Continuer la lecture#L3 | Transhumance

#P3 | Ail

La première fois que l’on mentionne le nom de la plante, on craindrait presque pour notre santé, tant le mot ressemble auditivement à une exclamation qui traduit la douleur, ou la surprise désagréable, et si, d’aventure on se risquait à le conjuguer, le verbe ailler — qui peut signifier frotter un plat à l’aide d’une gousse d’ail ou piquer de Continuer la lecture#P3 | Ail

Le pays

Au milieu du dix-neuvième siècle, ce terme ne désigne que la région d’Italie septentrionale, commandée par Turin, ainsi nommée en raison de sa position « au pied des monts ». Son nom se trouve, tout naturellement, formé de « pied et de mont » semblant tiré du mot italien  piemonte et comme si, déjà, le patronyme lui-même hésitait entre deux notions s’opposant : montagne et Continuer la lectureLe pays

Prologue

Garer la 2CV, ici. Dans ce pré, les roues mordant avec précaution l’herbe grasse, la couchant en deux petites rues parallèles. Ensuite, après avoir tourné la clé de contact, se taire : pousser les portes, sortir, quitter la voiture, se dégourdir les jambes, s’essayer à marcher, faire trois pas… s’allonger dans l’herbe ? Non, pas ici, pas maintenant, mais savourer Continuer la lecturePrologue

Vues avec chambres

un jour sans couleur filtre au travers de voilages blancs qui s’envolent au-dehors par le battant resté ouvert, le vent les attire et les fait flotter en drapeau, ils sont parsemés de petits carrés en relief de fils très serrés de couleurs vives — ressentir encore l’envie précise au bout des doigts d’en tester la résistance, en les pressant doucement Continuer la lectureVues avec chambres

L’eau

L’eau n’est jamais entrée dans la maison blanche. Tel un sang invisible, courant, navigant, une lymphe qui l’aurait parcourue en ses flancs de pierre recouverts de plâtre. Il fallait aller à sa rencontre, quitter murs et ombre, pousser les portes dont le cri s’usait à mesure qu’avançait l’été, puis, en aveugle, guidés par son haleine, traverser la courte esplanade sous Continuer la lectureL’eau

L’enfer, se dit-il

Longtemps après, il reste sans pouvoir dormir. Le sommeil lui échappe et dès qu’il ferme les yeux il entend à nouveau le bruit ; à nouveau, les coups retentissent. Les coups vibrent, vrillent ses oreilles, éclatent en claquements fous, ce sont des fouets de quatorze juillet cinglants, lacérant l’air irrespirable autour de lui. Dans l’odeur de sueur humaine, de trouille, Continuer la lectureL’enfer, se dit-il