A propos de Émilie Marot

J'enseigne le français en lycée où j'essaie envers et contre tout de trouver du sens à mon métier. Heureusement, la littérature est là, indéfectible et plus que jamais nécessaire. Depuis trois ans, j'anime des ateliers d'écriture le mercredi après-midi avec une petite dizaine d'élèves volontaires de la seconde à la terminale. Une bulle d'oxygène !

#anthologie #02 | et les pouces tourneraient

elle serait là assise sur une chaise, le regard légèrement baissé, dans le vide, aspiré par le vertige des ruminations intérieures, et les pouces tourneraient tourneraient  tourneraient, l’un sur l’autre aussi vite que les vieilles mains le permettent, ils tourneraient jusqu’au vertige eux aussi, tout contre l’immobilité du voilage de la porte-fenêtre qui donne sur le perron et sur la Continuer la lecture#anthologie #02 | et les pouces tourneraient

#anthologie #01 | jeudi matin

Jeudi matin | 3ème jour d’épreuve Trouver une place le long du lycée dans la rue en cascade qui se jette sur le front de mer. Végétation qui sourd et pousse et crève jusqu’à dégringoler parfois en panache, à la faveur d’une fissure à même le mur. S’en étonner toujours. Se promettre encore une fois de prendre le temps de Continuer la lecture#anthologie #01 | jeudi matin

#anthologie #prologue | comment je suis devenue au monde

J’ai été conçue dans l’amour la jeunesse le désir de liberté. J’ai été la catastrophe pour les uns, la planche de salut pour les autres. J’ai précipité l’histoire familiale, accéléré le temps, battu en brèche les conventions : j’ai déclenché les colères des grands-mères, j’ai marié mes parents, je les ai installés dans un HLM orange. Tout ça pas née encore. Continuer la lecture#anthologie #prologue | comment je suis devenue au monde

#nouvelles | Emilie Marot | bibliothèque nomade

# 01 | Ma bibliothèque est nomade Ma bibliothèque est nomade. Elle voyage. Se pose un temps. Grossit. Et puis repart. La bibliothèque de Luby Un morceau de ma bibliothèque est en cartons. Celle de mon adolescence, de mes années d’étudiante et de ma première année d’enseignement. Un peu de Vendée, un peu de Nantes, de Rennes, de Paris et Continuer la lecture#nouvelles | Emilie Marot | bibliothèque nomade

#enfances #01 | Serge et Abré (portraits 2/3)

Serge Autour de la grande table dressée dans le jardin, il ne parle pas beaucoup, il préfère laisser les autres occuper l’espace, rire parler amuser fort. C’est l’été. Les parents ont invité des amis à manger. Regard et sourire doux. Serge est là. C’est du coton. Douceur et présence enveloppante dans sa façon de rire aux bêtises de ses potes Continuer la lecture#enfances #01 | Serge et Abré (portraits 2/3)

#enfances #00 | dans la salle des pas perdus

1 Perdue. C’est dans le ventre que ça se passe. Qu’elle comprend. Ça se resserre ça tord. Autour d’elle la foule. Elle ne la voit plus. Sa mère. Avalée. Disparue. Ça gagne la gorge. En boule, le sanglot tout au bord. Tout se brouille. Alors elle respire comme sa mère lui a appris le soir quand le sommeil ne vient Continuer la lecture#enfances #00 | dans la salle des pas perdus

#été2023 #09bis | revivre la maison rouge

Sur la plage. Elle les regarde. Cheveux d’enfants emmêlés de mer de sable de soleil. Peaux rougies. Des voix. Les mêmes. Il faut rentrer. Il est tard. Des gestes. Les mêmes. On rassemble seaux pelles râteaux serviettes empesées de sel pliants de plage. Démarche prudente de l’arrière-grand-mère sur la plage empêtrée de galets goémon trous dans le sable. Elle ne Continuer la lecture#été2023 #09bis | revivre la maison rouge

#été2023 #09 | la maison rouge

Cheveux d’enfants emmêlés de mer de sable de soleil. Peaux rougies. Il faut rentrer. Il est tard. On rassemble seaux pelles râteaux serviettes empesées de sel pliants de plage. Démarche prudente de l’arrière-grand-mère sur la plage empêtrée de galets goémon trous dans le sable. La grand-mère lui tient la main ; la grand-tante veille à côté tout en jetant un œil Continuer la lecture#été2023 #09 | la maison rouge

#été2023 #08bis | la main sur le drap

la main qui repose sur le drap blanc. doigts tordus par les gestes du métier, un peu repliés sur eux-mêmes qui savent sans doute encore serrer la cuillère, la fourchette, le couteau, la poignée d’une porte mais qui ne connaissent plus le dépli, ont oublié le plat de la main. et puis dans un effort inattendu le geste ralenti de Continuer la lecture#été2023 #08bis | la main sur le drap

#été2023 #08 | étirer les traces (notes de carnet)

Carnet Elle ne m’a pas vu faire. J’ai l’impression de l’avoir volée, un peu vampirisée. Je ne me défèrerai donc jamais de ces scrupules. C’est pareil en photographie. Quand je photographie des gens dans la rue, je m’arrange pour qu’on ne les reconnaisse pas. J’en fais des silhouettes. Je mets du noir et blanc quand je les photographie de trop Continuer la lecture#été2023 #08 | étirer les traces (notes de carnet)