A propos de Émilie Marot

J'enseigne le français en lycée où j'essaie envers et contre tout de trouver du sens à mon métier. Heureusement, la littérature est là, indéfectible et plus que jamais nécessaire. Depuis trois ans, j'anime des ateliers d'écriture le mercredi après-midi avec une petite dizaine d'élèves volontaires de la seconde à la terminale. Une bulle d'oxygène !

boost #06 | Trois visages qui ne savent plus qu’ils ont un visage

raviné ridé creusé cendré lèvres fines craquelées enfoncées dans une bouche vide yeux fiévreux visage usé livré au soleil au sel à la marée aux cris aux larmes visage paysage aux replis de roches abîmées par les pluies abandonné à la géologie de la douleur visage rond comme un O aussi rond que les yeux des poissons glacés du marché Continuer la lectureboost #06 | Trois visages qui ne savent plus qu’ils ont un visage

boost #05 | Ton cri à fleur de lèvres

Dans la rue, bouche ouverte, ton cri à fleur de lèvres. Inarticulé. Tu voudrais crier pourtant mais ton cri s’évapore dans l’air bouillant. Un son s’échappe mais il n’a rien du cri qui déborde le corps. Ces jours-là, à défaut de ta bouche, ce sont tes yeux qui lancent le cri. Ces jours-là, ton cri écarquille tes yeux, les fait Continuer la lectureboost #05 | Ton cri à fleur de lèvres

boost #04 | tenir tête à envers et contre tout

Tenir tête à l’extrême-amont et son origine intouchable — Tenir tête à l’extrême-aval et sa fin improbable — Entre les deux : tenir tête — Quoiqu’il en coûte en dépit de envers et contre tout —    Tenir tête aux jours sans  — Tenir tête aux jours mangroves  —  envasés — juste les racines pour respirer — Tenir tête à la haute Continuer la lectureboost #04 | tenir tête à envers et contre tout

boost #03 | la femme aux mots empêchés (ses peurs)

Peur de ma bouche de ma langue de mes dents de ma gorge et des mots rentrés qui voudraient sortir et ne peuvent pas, peur qu’ils m’engorgent, qu’ils pourrissent au fond de moi, peur de mes cris, râlements, raclements, peur de la peur sur le visage de l’autre quand il te croise dans ton cri et tes râles alors que Continuer la lectureboost #03 | la femme aux mots empêchés (ses peurs)

boost #02 | ouvrir et fermer les portes de l’enfance

Pousser la porte lourde d’un HLM orange, voir une femme sortir, et derrière elle, la lourde porte qui se referme sous son propre poids en un léger claquement net, mat et sans bavure, il est tôt, le soleil d’hiver n’est pas encore levé, la minuterie plonge le hall dans l’obscurité. Porte de palier, 5ème étage, appartement 502. Un enfant dort Continuer la lectureboost #02 | ouvrir et fermer les portes de l’enfance

boost #01 | terre à écrire

ST1 Et l’eau de la rivière grosse et grasse de boue collante au sol et argileuse charrie cailloux et roches, branches et troncs dans un magma de terre ocre que rien n’arrête sur son passage, pas même bêtes et hommes. Après le passage, sol spongieux devenu vase de terre après les pluies diluviennes ST2 Motte de terre égarée sur la Continuer la lectureboost #01 | terre à écrire

boost #00 | un bout du monde

15°59’05″N 61°43’10″W 6 m Un vieux fauteuil défoncé sous un carbet au milieu d’un carré de béton approximatif, délimité par quatre poteaux en bois gravés, par endroits, de mots et de chiffres, et son toit de tôle verte. Des baraques en tôle, – et que ça frémit, et que ça tambourine et claque dans les pluies et les grands vents, et Continuer la lectureboost #00 | un bout du monde

les mardis #16 | le problème avec le volet roulant

Le volet roulant électrique de la grande porte-fenêtre du salon ne fonctionne plus. Le mécanisme tourne dans le vide avec un bruit de roulement inutile. Immobile à mi-parcours. Ne reste plus qu’une moitié de paysage extérieur. Ce n’est pas qu’il en vaille la peine, ce paysage : une terrasse au carrelage jaunie et une rambarde écaillée et rouillée. Un immeuble gris Continuer la lectureles mardis #16 | le problème avec le volet roulant

les mardis #12 | j’ai décidé d’arrêter d’écrire

J’ai décidé d’arrêter d’écrire. Il m’est déjà arrivé dans ma vie de cesser d’écrire, mais jamais de décider d’arrêter d’écrire. On peut décider d’arrêter de fumer, ou de boire, mais décider d’arrêter d’écrire, c’est autre chose. Décider d’arrêter d’écrire, c’est couper court au désir. C’est ravaler délibérément les mots, les enfermer en soi, dans la tête, dans le ventre, dans Continuer la lectureles mardis #12 | j’ai décidé d’arrêter d’écrire

les mardis #10 | chercheuse de fragments

Si j’étais photographe, je serais chercheuse de fragments. Il faudrait à force à force exercer l’œil, affûter le regard, quitter le plan large, oublier le panorama, renoncer au grandiose, épouser le petit, accrocher le détail, faire lumière sur ce qui s’oublie. Et faire paysage. Il faudrait pour cela des heures et des heures de marche, yeux fermés, yeux ouverts, tenter Continuer la lectureles mardis #10 | chercheuse de fragments