A propos de Christian Chastan

"- En quoi consiste ta justification ? - Je n'en ai aucune. - Et tu parviens à vivre ? - Précisément pour cette raison, car je ne parviendrais pas à vivre avec une justification. Comment pourrais-je justifier la multitude de mes actes et des circonstances de mon existence ?" F.K.

L’homme au chapeau mou

L’autre jour, dans la rue qui monte vers le château, le petit homme au chapeau mou sous une pluie qui rayait l’espace comme autant de ligne d’écriture. Il avançait sans donner l’impression d’être importuné par le mauvais temps. Même on pouvait voir à son sourire qu’il prenait plaisir à l’averse. Les maisons le regardaient passer avec un air à la Continuer la lectureL’homme au chapeau mou

La mystérieuse

Elle était déjà assise à la terrasse quand je suis arrivé. Evidemment elle attire le regard avec son élégant chapeau de paille et ses deux colliers qui réveillent l’émeraude de sa robe. On la sait étrangère à la langue qu’elle utilise pour commander une boisson fraîche mais son profil aristocratique, son aisance donnent le sentiment qu’elle appartient au décor de Continuer la lectureLa mystérieuse

Regards

Croquer les gens à la dérobée. Voler l’image. Voler par-dessus leur visage offert à tout vent. Scruter l’ombre qui fera leur histoire. Frissonner d’un regard qui s’attarde. Furtivement faire connaissance. Emporter avec soi le cliché pour en faire les compagnons d’une existence solitaire. Tenter de renaître en eux. Vertige de l’identité défaite et recomposée. Sortir de soi. Ingérer le monde. Continuer la lectureRegards

Un premier mai dans une petite ville du nord de la France.

Drôle de loin la foule ! Être monocellulaire en constante transformation. Grouillement indifférencié. Forme malléable, molle et élastique. Les drapeaux qui flottent au-dessus comme phylactères au vent. Grondement inaudible fait de chants, de cris, souffle collectif d’une colère unique. Vague sentiment de répulsion. Menace diffuse contenue par la distance. Des visages tous semblables, privés d’humanité. La montée d’adrénaline. On a beau Continuer la lectureUn premier mai dans une petite ville du nord de la France.

« Oh mon tonneau des Danaïdes ».

Celle dont il voudrait tellement se souvenir. Celle qui avait tenté de se jeter dans le puits alors qu’elle l’attendait. Celle qui finit par s’empoisonner mais c’était après que sa soeur fut venue au monde. Celle qui l’avait habillé en petit marquis pour le carnaval. Celle qui discutait sous ses yeux éperdus, tellement grande à son regard d’enfant, avec une Continuer la lecture« Oh mon tonneau des Danaïdes ».

Celles qui furent trahies

Celle qui souriait radieuse aux côtes de son frères dans les jardins publics. Celle qui cachait son visage dans ses mains pour retenir un fou rire. Celle qui marchait sur la promenade des anglais et qu’un regard d’enfant semblait encore grandir.  Celle dont le portrait s’affichait sévère au-dessus du lit et son regard intimidait. Celle dont on disait qu’elle avait Continuer la lectureCelles qui furent trahies

Carnaval des silhouettes

Les mots lui arrivent par paquets. Alors il faut trier. Il les compte. La langue remue rebelle, elle part dans tous les sens. Il bégaie. Il voudrait dire. – « Un, deux, trois et puis par la. …. Tu sais ». – « Et l’enfant, tu le reconnais l’enfant ? » Ça bute sur les consonnes, ça fuit sur les voyelles. Mais le visage bien Continuer la lectureCarnaval des silhouettes

A mesure que je vis j’oublie j’oublie

Visages comme pays éparpillés. Faces défigurées par l’oubli. Cires écrasées par le temps. Trognes détruites emportées en morceaux sidérants. Margoulettes ou pipes brisées par les années.  Bouilles, frimousses, toutes semblables, usées d’avoir été trop vues. Gueules noires ou béantes, cassées. Gueules de rats, d’empeignes, gueules de bois fendues à la hache de l’histoire. Gueules d’ange menteurs, portant la beauté du Continuer la lectureA mesure que je vis j’oublie j’oublie