A propos de Anne Dejardin

Projet en cours "Le nom qu'on leur a donné..." Résidences secondaires d'une station balnéaire de la Manche. Sur le blog L'impermanence des traces : https://annedejardin.com. Né ici à partir du cycle«Photographies». Et les prolongations avec un texte pour chaque nom qui dévoile un bout de leur histoire. Avec audios et vidéos, parce que des auteurs ou comédiens ont accepté de lire ces textes, l'énergie que donnent leurs voix. Merci. Voir aussi sur Youtube.

#enfances #09 | Comment dialoguer avec l’IA m’a sauvée de la page blanche.

Extrait : Moi : Pouvez-vous juste décrire meubles, objets, fenêtre et porte sans donner de précision quant à ce que cela permet. ChatGPT : Bien sûr, je vais simplifier la description en me concentrant uniquement sur les aspects physiques des meubles, objets, fenêtre et porte sans entrer dans les détails fonctionnels : Un lit, solide et centré, trône au milieu Continuer la lecture#enfances #09 | Comment dialoguer avec l’IA m’a sauvée de la page blanche.

#enfances #08 | joue, mange et grandis.

Joue. Gris ennui de la valise en plastique, grumeleuse  au toucher, qui s’ouvrait et c’était toujours du mauvais côté, je t’ai déjà dit de faire attention, et c’était trop tard,  son contenu déversé par terre comme si dans un mouvement de rage, on avait voulu tout jeter au sol, ce qu’on n’aurait jamais osé, juste un peu de précipitation et Continuer la lecture#enfances #08 | joue, mange et grandis.

#enfances #07 | bobine en bois et bougie blanche, avancer tout seul.

Automatique, c’est ma spécificité, pas comme cette poupée géante, plus grande qu’une enfant de deux ans, poupée qui marche, c’est pour cela qu’elle avait été achetée, mais non, on attendait face à elle et rien ne se passait. Figée, elle restait. Plantée sur ses chaussures en plastique toutes blanches avec un fin lacet, les deux bras en avant, comme pour Continuer la lecture#enfances #07 | bobine en bois et bougie blanche, avancer tout seul.

#enfances #06 | La phrase, juste la phrase.

La voix ? Non, c’est la phrase qui ramène la voix. La phrase, on la connaît. On l’a entendue souvent. Rapportée. Prononcée par la mère qui raconte. Essayer de l’entendre avec la voix de celle qui la prononçait pour de bon, à cette occasion, qui s’était répétée souvent, il paraît. La voix de celle qui l’aurait prononcée. Toujours la même phrase Continuer la lecture#enfances #06 | La phrase, juste la phrase.

#enfances #04 | la distance de l’infinitif pour le corps écrivant

La chambre de l’enfant où il ne règne pas, c’est un domaine où il ne pénètre pas, c’est le territoire de la mère. Lui, passe devant la porte, encadre son corps dans l’ouverture. Le tablier blanc qui s’arrête à mi-cuisse du pantalon, avec son col en V. La chemise par-dessous, avec le col qui dépasse. Tout est en place. Tout Continuer la lecture#enfances #04 | la distance de l’infinitif pour le corps écrivant

#été2023 #13 | ce qui échappe.

Il marche comme chaque matin il marche il suit une ligne qui semble sans fin il marche du sud au nord. Comment il le sait ? À cause du soleil qui se lève à l’est. Il le regarde se lever chaque matin il le regarde fournir cet effort et il pense qu’ici c’est plus dur qu’ailleurs parce qu’il doit escalader la Continuer la lecture#été2023 #13 | ce qui échappe.

#été2023 #10bis | Elle ou moi, mais sans lui.

Ce qu’il en pense, le personnage ? C’est vite vu : il ne pense pas ! C’est ce que l’auteur a décrété, que ses personnages ne pensent pas en son absence ! Comme ça sans demander l’avis de personne, juste parce que ça l’arrange. Peut-être qu’à Ben ça lui plaît de pêcher toute la nuit sans penser et au sourd-muet de dormir en ronflant. Continuer la lecture#été2023 #10bis | Elle ou moi, mais sans lui.

#été2023 #10 | Sans lui, elle n’est pas.

Que fait le personnage principal quand l’auteur n’est pas là, quand il ne s’occupe pas de lui, d’elle. Le problème dans ce cas-ci est complexe. Habituellement l’auteur connait son personnage principal. Dès qu’il y pense, il le construit. Dans l’histoire en cours, le narrateur et l’auteur se confondent. L’un et l’autre enquêtent. L’un et l’autre cherchent le personnage principal. L’auteur Continuer la lecture#été2023 #10 | Sans lui, elle n’est pas.

#été 2023 #05 | Réunion de quartier. Deux versions

Codicille : J’avais d’abord fait une version réduite, compressée, mais améliorée, je l’ignore. Pour ceux qui l’ont demandée, voici en seconde partie la version longue d’origine. Version courte « À lui qu’il est maintenant, le terrain, c’est sûr ! » On comprend mal ce qu’il dit, à cause de sa barbe pas soignée. Elle lui donne l’air d’un vieux loup de mer, c’est ce Continuer la lecture#été 2023 #05 | Réunion de quartier. Deux versions

#été2023 #04bis | précisément.

Copyright Anne Dejardin
  1. Dans la nuit de samedi à dimanche, et non pas celle du vendredi au samedi, c’est à ça qu’elle pense au réveil, ce n’est pas la nuit de vendredi à samedi, et à l’instant de reprendre pied dans la réalité, le soulagement peut commencer l’envahissement du corps qui est resté dans le contexte du cauchemar, parce que ce n’est pas la nuit de vendredi à samedi, et alors le soulagement peut continuer à progresser dans les muscles, dans la chair, dans la tête, la respiration redescendre dans le ventre, ce n’est pas un rêve prémonitoire, de ce qu’elle disait la mère, l’inéluctable du terrible en préparation dont on venait de vivre un avant-goût, parce que c’était le rêve de la nuit du vendredi à samedi. Elle entend la phrase dans sa tête. Essaie de s’assurer qu’il s’agit bien de la nuit du vendredi au samedi, essaie de prononcer les mots, la nuit du vendredi au samedi, mais elle doute à présent. Parce que c’est même sonorité. Même la nuit du jeudi au vendredi. Elle hésite. Il faudrait lui demander. Depuis qu’elle ne peut plus l’interroger, le monde a perdu toute stabilité.
  2. Dans la nuit de samedi à dimanche, et si elle veut y rester dans ce nouvel habitat, ce ne devra pas surtout pas y dormir pour la première fois un lundi. S’agit-il de la nuit du dimanche au lundi ou du lundi au mardi. Elle l’ignore et personne à interroger. Des balises dont elle n’a pas mémorisé les codes.
  3. Dans la nuit de samedi à dimanche l’odeur étrangère, bizarre, qui n’est pas familière comme celle de mazout qui vous sautait à la gorge dès qu’elle entrait dans sa maison, à la gorge, au ventre, qu’elle était la seule à sentir, tu ne sens rien, tu t’en souviens quand même, non, il n’a pas remarqué, elle a le nez qui gâte, pour reprendre une expression entendue dans l’enfance. Malgré la porte bien fermée sur le garage accolé à la maison et le petit couloir et tout le salon et encore le corridor, l’odeur de mazout, à peine la porte poussée qu’il a fallu soulever un peu à cause de l’humidité, depuis l’enfance c’est la même voix qui parle de l’humidité à cause de la rivière au fond du jardin en bas des escaliers.
  4. Dans la nuit de samedi à dimanche, la même odeur d’humidité on pourrait penser, et donc il y aurait quelque chose de familier, de rassurant, et non, chaque humidité a sa particularité odorante. Elle a plongé son nez dans le t-shirt qui lui sert de robe de nuit. L’odeur de sa peau la rassure. Si elle ne s’habitue pas, elle pourra toujours partir, lui rendre la clé et le remercier.
  5. Dans la nuit de samedi à dimanche, elle se tourne et se retourne. Le lit est large, l’hôtel luxueux. Il dort à côté d’elle. Demain il repartira. Il ne donnera pas signe de vie jusqu’à la prochaine fois. Son corps à elle est en paix. Sa tête moins. Il la fait toujours jouir. Ça reste un mystère. C’est peut-être pour cela qu’elle vient le retrouver, pour comprendre. L’alcool et le spectacle l’ont épuisé. L’amour aussi peut-être. Elle a chaud. Elle voudrait boire. Sa gorge comme fichée d’aiguilles. Elle a peur de le réveiller. De se cogner dans le noir aussi. On lui a donné une suite. Elle est arrivée tard, elle ne sait même pas dans quelle direction est la salle de bains.
  6. Dans la nuit de samedi à dimanche, elle marche dans la neige. Elle est hors du froid qui resserre tout le paysage et le sol sous ses pas. Il faut prendre garde à ne pas déraper. Elle est hors tout raisonnement commun. Elle pleure à gros hoquets. Elle sent que c’est de cela qu’elle a besoin. Elle est hors de la peur du noir, de la peur de ne pas retrouver son chemin, de la peur de se faire agresser. Elle est seule dans la nuit. Close sur sa peine.
  7. Dans la nuit de samedi à dimanche, elle n’est pas née. Ils ont attendu le matin pour la césarienne. Elle était un gros bébé. Un beau bébé. C’est ce qu’on dit des nourrissons qui n’ont pas fait le trajet eux-mêmes, qui n’ont pas dû se frayer un chemin, à qui on a ouvert la porte. Est-ce pour cette raison que tout lui demande du temps ? Qu’on l’a toujours traitée de rêveuse ? Qu’on l’a éduquée à coups de dépêche-toi ? Qu’elle a choisi de photographier plutôt que de filmer ? Arrêter le temps sur l’image. C’est un art qui lui convient, la justifie toute entière. Écrire aussi si la narratrice le décide ainsi.