A propos de Aline Chagnon

Ce qui me passionne dans l'écriture, c'est l'expérience, le chemin.

#anthologie #33 | chambre noire

Chambre noire. Murs plafond murs, porte fermée, rideaux tirés. Sol mat et silencieux. Le lit drap blanc, froissé blanc entre les marques repassées des pliures, froissé lissé défroissé. Long corps maigre d’adolescent à plat dos, jambes pliées, un oeil sous coque, l’autre ouvert dans l’obscurité. Chambre noire. Rideaux opaques pesant jusqu’au gris rapé de la moquette. Long corps tête immobile Continuer la lecture#anthologie #33 | chambre noire

#anthologie #32 | 11 mai 1981

La nuit a été courte, comme beaucoup d’autres je suis descendue dans la rue fêter la victoire de Mitterand, mais je me lève de bonne heure pour arriver tôt à l’atelier. C’est mon premier poste de technicienne, je travaille depuis trois mois dans une petite entreprise qui fait du câblage d’armoires électriques. On peut pointer entre 7h et 8h. A 7h15, je Continuer la lecture#anthologie #32 | 11 mai 1981

#anthologie #31 | pas mourir avant sa mère

On ne devrait pas mourir avant sa mère, surtout si la mère est veuve d’un fermier mort étouffé sous une stère de bois. On ne devrait pas mourir avant sa mère. Surtout si on est fils unique. C’est pourtant ce que j’ai fait. Je ne savais pas que l’alcool tuait aussi vite, des tas de vieux buvaient plus que moi, Continuer la lecture#anthologie #31 | pas mourir avant sa mère

#anthologie #29 | empêchée

… Et toujours on me retient de retourner là-bas On veut que je coupe les ponts que j’oublie les mots rugueux les gestes brusques maladroits On est comme père et mère pour moi On m’apprend à tenir une maison faire briller l’argenterie glisser des patins sous mes chaussures On me nourrit blanchit … On me retient de retourner vers eux comme Continuer la lecture#anthologie #29 | empêchée

#anthologie #28 | oeuvres

Tu ramasses une feuille de platane arrachée par le vent. Verte et fraîche en ce début d’été. Tu fais tourner la tige entre tes doigts. Arrivé à la guérite, tu te sers à nouveau une tasse de café et tu poses la feuille devant toi, sur le bureau. Tu allumes la radio. Ta tête s’alourdit, tombe. Tu tressailles. La feuille, Continuer la lecture#anthologie #28 | oeuvres

#anthologie #27 | géométries variables

Une femme, a l’approche de ses 100 ans, se dit qu’il est temps de se retourner et de regarder ce qu’a été sa vie. En quoi se résumerait cette vie qu’elle n’aurait jamais imaginée aussi longue ? Elle pense d’abord à un cube. Il tiendrait dans sa main comme ceux de la boîte de jeu de son enfance, le papier coloré, Continuer la lecture#anthologie #27 | géométries variables

#anthologie #26 | les chiens de nuit

Tu viens de relever Tarik, c’est le début de ton service. Tu refermes la porte que tu avais ouverte un instant pour changer l’air, assourdissant ainsi le ronflement constant des camions nombreux à rouler la nuit sur l’autoroute le long du Rhône. Le réchaud à gaz chuinte, l’eau bouillonne doucement et monte, clapotement du couvercle et l’odeur chaude du café à Continuer la lecture#anthologie #26 | les chiens de nuit

#anthologie #25 | carnet des odeurs

L’odeur de l’écran sur lequel mon père projetait les diapos. Une odeur sonore, ceux des cliquetis à chaque changement de photo. Odeur du lys dans la chambre de la maternité Odeur de naphtaline, les placards de ma grand-mère, les lavabos en Inde Odeur d’oreiller, y enfouir le nez Odeur de la chambre sortant du sommeil Le vide a sans doute Continuer la lecture#anthologie #25 | carnet des odeurs

#anthologie #24 | ils dorment

Ils dorment le dos courbé, front posé sur les bras croisés sur la tablettel’arrière du crâne plaqué à l’appui-tête, gorge déployée et bouche ouvertela tête penchée vers le magazine tombé sur les genouxaffalé sur l’épaule du voisinle front sur les genoux remontés sous le mentonun masque noir cache les yeuxla tête ballotée contre la vitreluttant, la tête s’alourdit, sursaut, se Continuer la lecture#anthologie #24 | ils dorment

#anthologie #23 | à la terre

on s’est assis au sol on a fermé les yeuxon voulait savoir si on pourrait confier à la terre laisser descendre plus bas il y aurait un colimaçon parois souples et gargouillis de ventres en digestion des sucs amers dissoudraient des grumeaux mal délayés mal balayés par les maigres eaux suintant les pores des argiles couvrant les surfaces des boues fermentées échappées Continuer la lecture#anthologie #23 | à la terre