… une vraie idée à la con… Par là-bas, juste derrière. Tu verrais bien mieux depuis la madone en face – tu grimpes le chemin du calvaire – : le mur blanc. Immense. Pour tenir le remblai. Mais de là-haut tu distingues pas sa lèpre de pierres à moitié dégringolées, ni les barrières métalliques pour pas s’approcher, vu que ça se casse la gueule. Et puis là, derrière les arbres en contrebas, le cratère du tunnel au bout du ver noir, sous toute la cité. Là les deux cheminées rescapées des forges, derrière la piste du stade. Quand on est gosses on fait vraiment du n’importe quoi. On se rend pas vraiment compte. Aucun risque il a dit – tu parles ! – alors moi évidemment j’ai suivi. Marc avait toujours des envies de casse-cou, et de ce que je sais ça lui dure encore ! Lui fallait toujours trouver la connerie. Moi je voulais surtout pas avoir l’air d’une trouillarde non plus. Enfin un mélange d’un peu tout ça – l’excitation de l’aventure – les autres de la bande qui poussent : allez quoi tu vas pas faire ta dégonflée – et puis c’est mystérieux quand même : on se racontait les histoires des niches dans la paroi, pour s’abriter – mais on n’a pas eu le temps. Dans les 12 ou 13 ans par là. Juste avant que j’aille au pensionnat. Un bonheur ! La liberté ! – parce que vivre entre la mère et la grand-mère… Enfin bon. Il voulait qu’on essaie de traverser – d’un bout à l’autre – tu te rends compte : marcher sous nos maisons ! Tout d’un coup ça a fait le klaxon comme on entend encore dès fois le matin – ça dépend des conducteurs – ça hulule à deux tons – ça vibre partout – on voit un tremblement de lumières jaunes qui te fonce tout droit – plaquez-vous – il a dit peut-être, mais nous on n’entendait plus rien – je suis devenue froide et dure comme la pierre – je voulais fondre dedans et j’ai fermé les yeux. Peut-être j’ai crié. Il est passé dans un hurlement de poussière, une longue gifle d’air qui claque et claque encore et te laisse essoufflée sourde et abrutie. Non à personne. Jamais. Je risquais pas de leur dire. Aux enfants non plus. On a fait les bravaches. On rigolait. Forcé. On n’est jamais retourné. Toute cette pierre du tunnel ça doit bien un peu tenir le remblai aussi, parce que pour le mur… ça fait toutes ces années que la CCA doit réparer…
Ce qu’on ne voit pas sur la photo, toute l’histoire déroulée, la claque (plus que la peur), les sensations vives, prenantes.
qu’elles ont dû être contentes la mère et la grand-mère que le pensionnat entrave ce genre de risques
ah ! le pensionnat aura fait leur bonheur à toutes !