Une maison isolée dans la campagne, un soir d’hiver, la neige envahie le paysage, les matelas sont venus se déposer à même le sol, sol carrelé, de la cuisine, le feu crépite dans la cheminée,
Le corps au sol, sent et ressent, le moindre caillou, la moindre bosse, le corps se réchauffe au soleil sur un rocher proche de la mer, sol dur et rugueux, ses mains le caressent, les yeux fermés elle entend la mer
Sur le sable fin une nuit d’été, le corps avec lui ne fait plus qu’un
Vingt ans, première traversée pour rejoindre l’île, 4ème classe, le billet le moins cher, évidemment sur le pont, assise sur un banc, elle l’observe, sale, poisseux, humide, collant, salé, gris bleu, comment vas t’elle passer la nuit ? elle n’a jamais dormi autrement que couchée, allongée, ses longues jambes tendues à l’horizontale, son duvet flambant neuf ne peut le rejoindre au risque de devenir, sale, poisseux, humide, collant, salé, il est bleu gris, le banc l’accueillera pour la nuit, l’éloignant de lui, la protégeant de la saleté, de la poisse, de l’humidité, son regard le fuyant pour regarder le ciel étoilé, lumineux et s’endormir enfin.
Trente ans, elle gravit les marches de l’escalier de meunier une à une, une porte de grenier s’ouvre, un toit, des tuiles, un fil à linge au milieu de l’immense espace qui s’ouvre à elle, espace sombre, sans lumière, vieilles planches poussiéreuses sur lesquelles elle progresse doucement, au fil des mois, transformations, la chaleur l’enveloppe, elle s’endort sur les ballots de laine de roche qui ont envahi l’espace, plus tard les planches disparaissent, des tuyaux blancs traversent l’espace, recouverts d’une dalle en béton, plus tard des lattes en bois, bois de chêne sont collées, assemblées lui donnant une majesté, un cachet, une identité, une fillette quelques temps plus tard, rampe, glisse, saute, joue, marche…
Quarante ans, premier de l’an, couchée endormie, sur un rocher, son deuxième bébé tout près, endormi, couché sur le rocher
Cinquante ans, elle ne dort plus sur le sol,
Soixante, soixante-dix, quatre-vingts, quatre-vingt-dix, à quel moment le sol l’engloutira ?
je ne sais pas si vous connaissez le début des «Géorgiques» de Claude Simon ? on passe ainsi en revue tous les âges mêlés du personnage principal…
Bonjour, non je ne connais pas ce texte, ni d’ailleurs cet auteur dont je vais aller à la découverte…
Merci pour cette première proposition et pour moi une première comme participante à un atelier en ligne et ravie de découvrir, de lire autant de textes différents, très intéressants..
Bonjour, Caroline,
J’aime beaucoup cette traversée de la vie, la nuit, sur les sols. Et la question finale : à l’intérieur du sol.
Je te souhaite un très beau dimanche.
Béatrice
Merci, jolie page de site et au plaisir de poursuivre les échanges
Il n’y a plus de sol, on ne pense plus qu’un sol nous engloutira, dans le passage hors sol.
et ici la vie a été assez condensée pour tenir… bravo
Le sol par le corps… Beaucoup aimé ce texte, qui convoque des sensations éprouvées, on y est…