Cette façon de dire qu’on n’entendrait plus; qu’elle en avait reçu un coup — enfin dans ce sens là on ne l’entendrait plus : Il y a tant d’objets qui se font sans à présent. Elle eut un mobile et trouva même cela épatant : Pouvoir marcher en te parlant — un temps il y avait eu les « accordéons » qui permettaient d’aller plus loin avant de se mette en paquet : Ça s’embrouillait, tu te souviens ? Aujourd’hui, du train, du milieu d’une forêt : N’être plus attaché à rien… Pour la lessive, c’est ce qu’on a inventé de mieux elle le disait: Quand il fait rien qu’un rayon blême on le tend au fond du jardin, entre le vieux mur et l’arbre à coings au dessus du roncier des mûres. Il y eut celui qui sentaient le foin, il laissait des fibres sur le linge. Puis un en fer qui rouilla; après ce fut de l’électrique avec ses gaines de couleurs — à chaque bout on voyait les brins de cuivre: Ces couleurs c’est plus gai et ça ne laisse pas de traces sur le linge. Elle avait reçu une grande boite avec des bobines de soyeux, des rêches, des gros, des tout fins qui passent facilement le chas; héritage de couture dont elle n’avait que faire — recoudre quelques boutons peut-être ; pour le reste elle s’arrangeait d’épingles à nourrices. Dans la boite, avec les clous et sa pince à tout faire, elle avait jeté en vrac ceux de la pêche et leurs plombs, l’ancien du téléphone qui poissait et un tas de pelotes de celui à l’odeur chevaline qui vous attache à peu près tout; boite à couture de bricolage qu’elle poussait du pied sous la table de la cuisine. Le beurre elle l’achetait parfois en motte s’amusait du fromager qui découpait avec « ce qu’il n’aurait pas su inventer « — elle aimait aussi se moquer—, la poussée des grosses mains qui tendaient fort l’outil, le sérieux dans le geste: du front qui se plissait aux mains. Les doigts gras avec le “sparadrad” au majeur pour indiquer qu’il usait aussi du couteau — elle aimait bien les couteaux : Avant le rémouleur passait, il vous faisait la lame fine comme du rasoir. Les soirs de fête elle changeait de prénom ça lui rappelait « son théâtre », passait de Rachel à Marguerite. « Et pourquoi pas Ariane ce soir ? » Elle joua du Marivaux et du Feydeau — jamais rien de tragique en scène : Un titre avec patte… tu ne vois pas ? Oh, j’ai encore perdu le… « Ne dis pas le mot je t’en prie » elle ajoutait dans un murmure que ça ne tient vraiment qu’à… Elle avait perdu un fils. S’il nageait ou bien marchait entre le ciel et la terre quand le câble avait lâché? on ne sait pas. Que ton fantôme y danserait un jour transparent et subtil. Tu le chantais. Tu aimais sa chanson.
Sa visibilité surgie de la promenade. Effraction qui peut je le pressens bousculer la règle — choisir une chose et s’y tenir; un objet, pas un de plus, est-il écrit. Le laisser prendre comme sujet quand j’avance sur Un fil. Figure de désordre, il m’impose son silence et parle. J’appuie sur l’obturateur, j’espère, encore le faire taire. Je fais sans le vouloir entrer le diable dans la boite, d’autant plus que l’image est mauvaise. Sombre. Pleine de bruit, elle ne peut pas se substituer à la déflagration de questions qu’il suscite. Assise à la table de travail son souvenir se déverse, il me hante. Au fond d’une cour ou au milieu d’un champ, sur n’importe quelle avenue de n’importe quelle ville, au pied de la Grande Muraille, aux confins du désert ou de l’arctique, là au bord de ce chemin enclavé de murets, il blesse la promenade. Inutile de gravir les montagnes avec lesquelles il a une relation d’évidence pour le trouver. Arrivé par hasard, né d’un choc, d’un glissement, d’une déformation, il défie le calcul de probabilité. Issu de désastres naturels ou de la guerre. Un éboulis de pierre. Comme d’un ventre ouvert.
ceci n'est sans doute pas l'objet définitif. Un texte transitoire en guise d'échauffement? Celui qui a surgi d'une photographie prise hier il faudra bien l'écrire... ceci n'est pas la régle
C’est beau ! Juste evie de le dire.
Merci beaucoup de l’avoir dit.
Toute l’énergie de ne pas le dire. Complètement embarqué…Merci Nathalie!
Merci Michael!
Quel subtil et bel évitement. Merci Nathalie Holt. Impatient de lire votre nouvel autre objet, mais de grâce conservez nous celui-ci en ligne, au fil des flux.
Merci Ugo L’objet s’imposa ce matin et soudain comme un grand découragement. Verrai à l’aube comment relancer tout ça
Trés joli texte Nathalie, joli voyage dans ces objets. Merci
Merci Clarence
Un texte fait pour me plaire…
Et il me plaît beaucoup !!
Merci, Nathalie !
Oh ! Merci de votre retour ( je n’ose pas écrire votre prénom)
(la pince à tout faire ne serait pas mal non plus) (très joli) (très jolie aussi)
Merci Piero pour la pince à tout faire
J’aime beaucoup ce texte funambule qui rebondit sur l’objet. Merci
Merci beaucoup (et les collants m’enchantent)
avec fil ou sans fil, la vie n’est pas la même.
… Coudre sans fil Ou marcher sur un vide…
C’est un sujet qui m’occupe beaucoup. Te lisant, j’en redécouvre des segments entiers qui m’échappaient. La construction y est pour davantage que les fonctionnalités. Tu donnes l’envie de se pencher encore, de changer d’angle, de mieux regarder. Peut-être est-ce ce que nous avons de mieux à faire : ne pas écrire sur « le bon objet », s’échauffer… Il y a quelque chose de tellement illusoire dans nos volontés.
Merci de tes mots Emmanuelle
Faire entrer le diable dans la boîte. Merci Nathalie Holt de nous offrir ainsi les choix, d’élargir les pistes dans les éboulis d’objets qui nous hantent. Merci de vos exigences.
Plongée ce matin dans le PDF des objets, je suis arrivée à votre fil. Troublée avec frisson et émerveillement. Grand merci.