Au bord

JE chassé de la trame obscure      NUIT d’été que tu imaginais douce que tu voulais refuge avais tant besoin du refuge de la NUIT es-tu si fragile pour te retrouver au bord des YEUX aveuglée quand NUIT noire NUIT profonde ne veut plus de toi CORPS étanche        et s’il n’y a plus de JE y aura-t-il encore un TU     pour te parler pour te prendre dans ses bras et te consoler       non plus de TU        une fois le JE viré hors le CORPS de la NUIT reste l’impersonnel le dessaisissement        la NUIT n’englobe plus le corps le laisse idiot incapable de plonger dans les rêves de s’absenter à soi-même     il n’y aura plus de TU    juste elle     détachée du CORPS elle impersonnELLE    il fait froid dans cette NUIT d’été qu’elle imaginait douce qu’elle voulait refuge avait tant besoin d’un refuge NUIT est-elle si peu résiliente     JE viré de la NUIT et le CORPS inapte à se fondre dans ses porosités à être absorbé dans les rêves le sommeil alors se retrouver au bord des YEUX sans savoir si ouverts si fermés quand noire la NUIT profonde ne veut plus de toi CORPS étanche     imbécile     tourné d’un côté de l’autre retourné avec un semblant de JE qui remue dans la tête des idées toxiques gangrenant l’esprit ou ce qui en reste multitude d’inutiles pensées incapables de dénouer le poids qui oppresse la poitrine    quand la NUIT enfin l’engloutit un boa restrictor l’avale         plongée dans une obscurité visqueuse d’écailles      plutôt ce précipice gluant avec au bout peut-être une renaissance     plutôt cette épreuve que le vide sans écho       alors se pencher au bord de la NUIT se risquer       tenter sa vie      sinon qui portera le poids de ton JE le noir de ta NUIT

A propos de Muriel Boussarie

Je travaille sur un chantier d’écriture au long cours et j’espère avoir assez de souffle pour le mener à terme. L’intuition de ce projet a surgi ici, dans un atelier du Tiers Livre. Il était question de se perdre dans la ville. Comme je ne voulais pas suivre une piste trop autobiographique, j’ai délocalisé l’errance en la situant dans la ville de K., un avatar de Hong Kong qui m’avait tant fascinée. Alors un personnage, un homme, Tu, toujours interpellé, est immédiatement apparu dans une rue de K. où il s’était égaré. Malgré cette entrée en matière – très forte pour moi – je n’ai pas pensé au départ écrire une histoire, encore moins un livre. Mais je voulais écrire, rêver un univers, celui de K. Quelques textes ont ainsi vu le jour sur mon blog. Puis lors d’un nouvel atelier de François Bon, un fil d’histoire plus précis s’est ébauché : le départ de Tu et L. vers les îles pour fuir la dictature qui sévit à K. À ce moment-là s’est déclenché un grand désir de narration. Beaucoup de choses se sont précisées au fil de l’écriture, bien des personnages sont apparus… Et régulièrement j’utilise des consignes de l’atelier comme pistes pour développer mon récit.

2 commentaires à propos de “Au bord”

  1. Très beau texte, je me croyais dans un « parpaing » qui avait deviné le thème clé de l’atelier (dissolution du Je) ben oui je suis donc bien dans la 10 et cela me parait au coeur du sujet si j’ose dire. et j’y retrouve mes insomnies.

  2. oui, j’ai été très frappée par les parpaings ! Merci beaucoup Catherine pour votre visite et votre retour