Sortir des draps froissés du tant aimer à demi de sommeil une évaporation une suspension avant de glisser un pied puis l’autre et déjà le froid du ciment de la chambre grimpe le long des jambes, juste ce béton la brutalité de la matière qui ancre le corps dans l’immédiateté sans fard, l’étau du rêve se desserre et les paupières s’ouvrent avec la lenteur d’un matin qui refuse de se lever, une pâleur sans chaleur se répand dans la pièce, suffire à des gestes simples, on se lève d’un seul mouvement, une main cherche l’interrupteur routine presque automatique on avance vers la porte trouver la poignée ouvrir tirer vers soi et tout se met en marche le corps s’étire hors de la pièce une ligne de tension vers la suite vers le fil qui descend et trace un chemin vers quelque chose d’autre en bas.
Il y a cet escalier en bois comme une vieille écharde témoignage de passages répétés en rythme chaque marche résonnant de son intimité, réminiscence ; une lumière éclaire le premier palier mais plus bas tout se fond dans l’ombre avant d’atteindre l’obscurité totale dans l’effacement des contours un plongeon dans l’inconnu, un pas puis un autre avec cette crainte de manquer la dernière marche. Au sol une empreinte vague à peine une trace on s’arrête on s’accroupit le doigt glissant sur cette marque qui semble dire une chose indéchiffrable, tentante, une invitation à suivre cette voix intérieure qui murmure sans se montrer, où mène-t-elle ? Nulle part, vers des endroits imaginés entre sommeil et éveil ; puis une autre trace un fragment de pas à suivre jusqu’à un autre espace un autre corps une autre peau, un dos nu là devant une surface lisse et inconnue que les mains curieuses cherchent hésitent et finalement s’aventurent.
La peau sous les doigts est chaude vibre par sa texture ses reliefs et ses chemins discrets. Les mains glissent parcourent un paysage sondent de nouvelles voies, des panneaux invisibles jalonnent ce terrain, quelques chemins détournés même sans issue zones de travaux intérieurs, ruptures dans la continuité passages interdits. Les doigts avancent se faufilent entre les muscles et les os épousent les creux et les bosses, collines invisibles, tracé d’une carte corporelle inconnue d’une terre encore à défricher.
Au centre du corps la douceur de l’obscurité le cœur du noyau battant maître discret de la vie chaque battement est une onde qui se propage dans les veines. En posant les mains sur la peau on devine le frémissement en-dessous, pulsation qui éveille le corps de l’intérieur de cet espace enfoui une mécanique enveloppée de mystère, un livre sans mots, histoire de sensations tout part de là se déploie se retire un flux régulier où tout se mêle et tout s’achève.
Merci pour ce très beau texte où l on voyage dans l ‘espace et dans le corps, belle alchimie du dehors et du dedans qui fait une belle place aux sensations et à la sensualité .
je sens le plongeon « vers l’inconnu » pour toi chaque jour, ce plongeon à l’intérieur de soi ou dans les tracés « d’une carte corporelle inconnue d’une terre encore à défricher. »
merci pour ce voyage à travers la peau
Quelle finesse dans l’écriture de la perception, même d’un moment ordinaire comme le lever! En tant que lecteur, on vit le reste dans le demi-sommeil et dans le noir, totalement présent à cette descente et à l’exploration de cette peau et de cette vie, là, en bas de l’escalier. (Et mise en résonance d’ escaliers descendus dans le noir, et de peaux délicatement explorées ) Merci!