#écopoétique #06  | Saint-John Perse  | dis-moi la pluie

Dis-moi la pluie que l’angoisse tenace et sans repos se fait vérité à atteindre pour ceux qui osent le combat avec le néant. Dis-moi la pluie ton vol sans répit, ta résistance contre le vide

Dis-moi la pluie pourquoi la rosée fugace porte déjà l’aube de ton signe divin attendant l’ordre qui annoncera ton retour.

Vole de tes propres ailes la pluie puisque les nuages se fondent en toi et qu’en un instant tu te disperses, tu es partout, dans la fraîcheur d’un visage pour retrouver à chaque goutte le flux que tu gonfles du souffle de la vie

Traverse la pluie les mailles et suspends l’enfant au rebond quand tu claques dans les yeux de ses rêves innocents lorsqu’ il invoque la neige.

Fais des ronds dans le ciel de tes flaques au fond desquelles tu te grises de la brume et de ta métamorphose. Profondeur dans le fond des choses recherche les formes perdues des nuages défunts dans le monde qui s’efface et recommence à chaque pluie qui passe.

Toi la pluie traque le sol craqué et brise le cycle de l’absence. 

Pluie de chaleur descends avec la puissance des terres humide, éveille l’intimité secrète des sous-bois dans cette épaisseur végétale enroule toi, tu es la liane de nos désirs, la moiteur de nos corps glissants la nudité qui ne peut s’essuyer. Colle les palmes gonflées de plaisir à nos cheveux emmêlés et que nos doigts de jasmin tracent l’infini. Parle nous de tes mots insensés éveillant les sèves, exhale l’humus de tes vapeurs douces.

Glisse sur les troncs rugueux, serpente les racines noueuses aux rivières soudainement gorgées de boue.

Écarte la canopée caresse la chair tendre des fougères, frappe les feuilles que chaque branche devienne un chant, offre nous ta prochaine étreinte.

5 commentaires à propos de “#écopoétique #06  | Saint-John Perse  | dis-moi la pluie”

  1.  » Profondeur dans le fond des choses recherche les formes perdues des nuages défunts dans le monde qui s’efface et recommence à chaque pluie qui passe. » Forte impression à la lecture de votre texte qui va plus loin qu’une simple évocation expérientielle de la pluie. L’attente d’une étreinte de la pluie ouvre un champ de sensualité que les « doigts de jasmin  » soulignent délicatement pour conjurer « le cycle de l’absence ». C’est vraiment très touchant..

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