#écopoétique #03  | voici des légumes, des fleurs…

Jardin,  un dialogue secret entre plantes et humains sous un ciel capricieux de Bourgogne, c’est le jardin modeste de la famille Parizot, posé là entre les pierres de la maison et l’église sous le regard attentif de la vieille cloche témoin silencieux des saisons et des gestes répétés. Si la terre y est lourde Augustine ne la craint pas de ses doigts que l’on dirait d’argile. D’une patience à toute épreuve elle s’obstine à planter des tomates dans un sol qui leur est hostile. Si les patates prennent des airs de divas capricieuses en attendant la pluie avec la même ferveur qu’un pêcheur la marée, les carottes modestes soldats oranges demeurent stoïques dans la terre prêtes à sauver les repas d’hiver sans fanfare. Les courges n’en finissent pas de s’étaler envahissant l’espace comme des tantes éloignées qui sous prétexte d’un court séjour prolongent  indéfiniment leur visite, elles débordent prenant possession du jardin avec une lenteur conquérante. Dans ce désordre organisé les dahlias éclatent en pleine majesté au milieu des haricots verts et des choux, ils pensent s’être trompées d’endroit et être au bal de la sous-préfecture, regardés de très haut par leurs voisines curieuses les roses trémières qui dressées dans une posture de surveillance épient sans rien dire les confidences potagères.

Les matinées commencent tôt dans le jardin de Pierre Parizot, père de famille et roi du plantoir levé dès l’aube, son pantalon retenu par des bretelles trop longues, baillant sur ses hanches, ses pas lourds dans les sabots tracent un chemin familier jusqu’au coin des oignons, lieu sacré où la terre respire encore la fraicheur de la nuit. Là il retrouve son voisin le Francis fidèle à sa casquette et son café noir, venu commenter l’état des radis. « un peu pâles tes radis tu leur donnes du lait ? » « et toi c’est des radis ou des betteraves rouges ? » Les radis étaient une histoire sérieuse, mais rien absolument rien ne rivalise avec le championnat des haricots verts qui se tient chaque été dans le village.

Pendant que l’eau tirée à grands efforts emplit les arrosoirs métalliques, les nouvelles du village volent d’un poireaux à l’autre portées par le vent qui agite les branches des pommiers, on y échange tout, astuces, graines, rumeurs et secrets pour éviter les pucerons… pendant que les enfants insouciants et agiles tissent des farandoles de vrilles de haricots trébuchant parfois sur les salades  puis rejoignent le poulailler endroit stratégique et grillagé, cœur battant, où les œufs sont ramassés comme des trésors… Augustine aime encore couper quelques fleurs qui orneront l’église offrant un éclat fragile à la pierre froide. Puis sous le grand tilleul du village les commérages reprendront. 

2 commentaires à propos de “#écopoétique #03  | voici des légumes, des fleurs…”

  1. Un texte exquis sur la personnalisation des légumes et le portrait en pied du Père Parizot. Je me régale chère Raymonde.

     » les carottes modestes soldats oranges demeurent stoïques dans la terre prêtes à sauver les repas d’hiver sans fanfare.  »

    « Pierre Parizot, père de famille et roi du plantoir levé dès l’aube, son pantalon retenu par des bretelles trop longues, baillant sur ses hanches, ses pas lourds dans les sabots tracent un chemin familier jusqu’au coin des oignons, lieu sacré où la terre respire encore la fraicheur de la nuit. Là il retrouve son voisin le Francis… »

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